On se croyait au seuil de la Troisième guerre mondiale, d’initiative américano-iranienne. On aura récolté une succession de vaines menaces, des attaques ciblées pour ne pas faire de victimes, et une bavure dramatique, l’abattage d’un avion de ligne avec 176 personnes à son bord, conséquence et dommage collatéral d’une presque-guerre farfelue. Pourtant, quand cette spirale s’est enclenchée le 03 janvier 2020 avec l’attaque ciblée du convoi du Général Qassem Soleimani à Bagdad, nous étions prompts à penser que les Etats-Unis de Donald Trump, par cet assassinat, venaient d’ouvrir une boite de Pandore. Dans les faits, l’acte ne manquait pas de gravité. La cible abattue, n’était ni plus moins que le puissant chef de la Force Al Qods, unité d’élite des Gardiens de la Révolution islamique iranienne, bras armé du régime et dispensateur des idéaux du pays des Ayatollahs partout dans la région. Son rôle dans les affaires intérieures de l’Irak lui a conféré un statut d’homme fort et de grand marionnettiste de la politique intérieure de ce pays. Ailleurs dans la sous-région, Syrie, Liban, il était admiré, respecté mais aussi craint.
En le ciblant lui, Donald Trump avait pris une décision inconsidérée, même du point de vue de l’indéfectible allié israélien qui a toujours rêvé de se débarrasser de l’homme sans jamais oser tenter l’aventure. Les gigantesques cortèges de manifestants en colère qui, durant les obsèques du Général Soleimani, appelaient à une vengeance à la mesure de l’affront, laissaient redouter le pire. Les menaces sans ambages de la fille du défunt à l’endroit des Etats-Unis d’Amérique promettaient une réplique cinglante. Et mieux, les larmes, si rares et si émouvantes du Guide suprême, l’Ayatollah Ali Khamenei, semblaient valoir à elles seules appel à une vengeance dévastatrice.
Mais au final, la riposte fut extraordinairement mesurée. Elle ne pouvait pas ne pas être déclenchée, mais elle a été calculée pour, si le Président américain sait fait preuve de retenue, ne pas déclencher la guerre tant redoutée. Une guerre dont personne ne pouvait mesurer l’ampleur, ni les conséquences à court, moyen et long terme. Une quinzaine de missiles, deux bases américaines en Irak visées, et les autorités irakiennes informées à l’avance. Des dégâts matériels et 80 morts hypothétiques jamais confirmés. Effectivement, Donald Trump, à l’annonce de ces frappes, fit preuve d’une inaccoutumée modération. Pas de victimes humaines, donc pas de représailles supplémentaires… du moins sur le plan militaire. Décrispation et ouf de soulagement pour tout le monde, ou presque.
Mais de là à s’imaginer que Qassem Soleimani serait donc mort pour rien, que son assassinat serait ainsi passé par pertes et profit au service d’une paix fragile dans une région tourmentée, il y a un pas qu’il ne faut pas franchir. Même s’il ne pouvait souffrir l’inaction, signe de renoncement et de faiblesse, le régime des Ayatollah ne pouvait pas se permettre de faire plus. Une guerre conventionnelle contre les Etats-Unis d’Amérique signerait sa défaite inéluctable et sa disparition. Cette réplique mesurée était donc aussi une action de survie. Mais je reste convaincu que les millions de manifestants vus dans les rues de Téhéran, les combattants du Hezbollah libanais, les Houthis yéménites, les Basiji, les Pasdaran, les Al Qods et les milliers de supplétifs déclarés ou non des forces de la République islamique, ne se contenteront pas de ces quelques dégâts infligés aux troupes américaines basées en Irak. Une autre guerre est déclarée. Asymétrique, celle-là. Elle se déroulera en sourdine, loin des théâtres attendus. Touchant des victimes improbables. Faisant des dégâts plus sournois. Les larmes de l’Ayatollah n’auront pas été versées à la face du monde juste pour pleurer. Le 3 janvier 2020, Donald Trump a rendu le monde un peu moins sûr pour les Américains et leurs amis.
C’est mon opinion, et je la partage !