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27 mars 2011 7 27 /03 /mars /2011 13:41

2011, année zéro ! Zéro pour la démocratie. Zéro pour la souveraineté du peuple. Zéro pour l’indépendance du juge constitutionnel. Zéro ! Ce n’est pas moi qui ai un avis aussi tranché. Je le tiens des principaux partis d’opposition en lice pour les élections présidentielles en Centrafrique en janvier dernier et des leaders de l’Union fait la Nation et de leurs alliés candidats à la présidentielle de mars 2011 au Bénin. Dans les deux cas, ce fut une bérézina. La victoire du Président sortant dès le premier tour. Dans des circonstances plus ou moins troubles, c’est bien le cas de le dire. Et à quelques semaines d’encablures, l’organisation du second tour des législatives d’un côté (Centrafrique) et de leur unique tour de l’autre (Bénin). Va donc savoir si les mêmes causes produiront les mêmes effets. Et quels peuvent être les contrecoups de ces effets.

La Centrafrique a organisé ce dimanche 27 mars 2011 le second tour de ses élections législatives dans une ambiance pour le moins délétère. En raison de la remise en cause des résultats du vote du 1er tour couplé avec la présidentielle de janvier, l’opposition a jugé bon de boycotter purement et simplement le scrutin. Les principaux partis politiques ont donc appelé leurs électeurs à ne pas se rendre aux urnes. Dans l’optique de dénier au futur parlement autant qu’au président Bozizé toute légitimité populaire. La Centrafrique renoue ainsi avec une situation politique  à gros potentiel nocif à en juger par son histoire récente. Quand on sait que des régions entières du pays ne sont pas encore pacifiées depuis la prise du pouvoir du Général Bozizé en 2003. Quand on connait tout autant la propension de certains hommes politiques à recourir à la violence armée.  Et quand on ajoute la quantité d’armes qui, depuis la fin théorique de la guerre civile, continue de circuler dans le pays, il y a de quoi nourrir des inquiétudes. D’autant plus que le Président François Bozizé et ses partisans ne semblent pas jusque-là se projeter dans une perspective de réconciliation nationale par un discours apaisé et un partage éventuel du pouvoir.

Au Bénin dont la situation présente bien de similitudes, la question du boycott des législatives ne se pose pas. Du moins, pas encore. Pas en termes clairs. On attend sans trop se faire d’illusions, le verdict final de la Cour constitutionnelle. Elle qui doit se prononcer sur les recours introduits autant par le président sortant Boni Yayi qui estime avoir gagné avec un meilleur score la présidentielle, mais aussi bien entendu par les principaux candidats de l’opposition qui crient à la mascarade électorale et exigent l’annulation du vote. En tout état de cause, dès le verdict donné, il sera question pour l’opposition de prendre une décision. Retourner aux urnes dans quelques jours, avec le même fichier électoral tant décrié, selon la structure organisationnelle mise en place par la même Commission électorale nationale autonome (CENA) et sous la supervision de la Cour constitutionnelle accusée de partialité. Si ces circonstances ne venaient pas à changer pour une raison ou une autre, le bon sens recommanderait peut-être un boycott pur et simple du scrutin. Mais la problématique du boycott des élections législatives au Bénin en est une qui appelle différentes réflexions sur les perspectives qu’elle peut ouvrir. Au plan sociopolitique individuel, partisan et national.

Boycotter les élections législatives est une perspective difficilement envisageable pour un certain nombre de députés présents au Parlement sous l’étiquette de l’opposition. En effet, véritables « députés de carrière », certains parlementaires béninois ne se voient sans doute pas exister en dehors de  cette lucrative fonction. Surtout pas par ces temps-ci où le régime de Boni Yayi a fait en sorte de couper autant que possible les vivres à ceux de ses opposants qui exercent des activités à titre privé. En sus, c’est l’existence même et la consolidation des partis politiques d’opposition qui se trouvent menacées par la perspective du boycott. On connaît le lien entre l’élu du peuple et ses électeurs. Lien de dépendance, lien de « droit à l’assistance » qui fait du député l’obligé de ceux qui l’ont élu. Et aboutit à l’enracinement du parti dans le fief présumé de l’élu. Enfin, boycotter les législatives prochaines reviendrait pour l’opposition à ouvrir la voie à toutes sortes d’abus et de dérives de la part du gouvernement, dont le paroxystique serait la révision de la constitution à visée opportuniste. Des intentions allant dans ce sens n’ont pas été annoncées, mais une fois carte-blanche donnée, il sera extrêmement difficile de faire machine arrière. L’échec du projet de révision constitutionnelle en 2005-2006  doit quelque chose à la composition du parlement béninois à cette époque-là et à l’équilibre des forces qui y avait droit de cité.

L’opposition béninoise est face deux alternatives difficiles. Participer aux législatives et avaliser de fait la présidentielle du 13 mars et ses résultats, tout en prenant le risque d’une nouvelle défaite, ou se refuser à y prendre part et livrer plus sûrement le pays à une menace de dérive. C’est bien là ce qu’on appelle un dilemme cornélien.

 

James-William GBAGUIDI

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25 mars 2011 5 25 /03 /mars /2011 00:06

alassane-ouattara-a-ete-declare-jeudiLa situation en Côte d’Ivoire est affligeante. La communauté internationale s’est détournée d’un cas pour le moins inextricable. Après avoir fait mine de s’émouvoir du sort d’un Chef d’Etat élu et lésé de sa victoire. Après avoir semblé s’intéresser au dessein d’un peuple ou plutôt d’une partie du peuple qui ploie sous le joug d’une dictature naissante. Après s’être montrée déterminée à agir dans le sens où tournait le vent. Et puis, plus rien. Depuis, c’est le printemps arabe qui occupe les esprits. Et l’aube de l’odyssée qui engendre les peurs. Les Ivoiriens peuvent toujours attendre. Attendre la résolution que la CEDEAO espère voir voter pour enfin entrer en action.

Que d’encres ont coulé depuis novembre 2010 et l’invraisemblable issue de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire ! Chaque analyste y est allé de sa plus belle plume pour démontrer qui, de Laurent Koudou Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara, est le vainqueur effectif du scrutin. A la lecture de toutes ces analyses, je me suis fait une religion. Ce qui pose problème dans la crise ivoirienne et qui amène certains observateurs à prendre le parti de Laurent Gbagbo, ce n’est pas tant le résultat de l’élection présidentielle. Il a été démontré à foison et récemment encore par le panel de l’Union africaine et ses experts, que Laurent Gbagbo n’a rien gagné du tout. Le soutien qu’il capitalise tient  simplement à un nationalisme de ras de pâquerettes que certains africains ont cru bon devoir développer. Ce type de nationalisme navrant qui préfère laisser Mouammar Kadhafi massacrer son peuple plutôt que de le voir chassé avec l’aide de la communauté internationale. Ce même type de nationalisme pathétique qui sert de bouclier à Robert Mugabe pour continuer à affamer les zimbabwéens parce que son opposition est soutenue par la Grande Bretagne. Ce nationalisme qui ne défend en réalité que les leaders en butte aux principes de bonne gouvernance et de respect des droits de l’homme.

C’est l’expression à son paroxysme de ce nationalisme qui a, il y a quelques mois, contraint la CEDEAO avec à sa tête le Nigeria, à renoncer à une intervention militaire immédiate pour faire partir Laurent Gbagbo. Faisant perdre à l’organisation sous-régionale un temps précieux et de toute évidence, la détermination qui était la sienne il y a deux mois encore. Au dernier sommet en date des Chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, où la situation de la Côte d’Ivoire était à nouveau à l’ordre du jour, le sujet a semblé tout simplement être botté en touche. C’est désormais une résolution des Nations unies qu’attendront Jonathan Goodluck et ses pairs pour mettre en œuvre l’action militaire qui semblait pourtant déjà si plausible par le passé. Comme à l’accoutumée, un événement récent dans le cours des relations internationales est venu changer la donne : la résolution 1973 sur la Libye. Elle a ouvert la voie à une action légitime dans une situation certes urgente, mais postérieure à celle que vit la Côte d’Ivoire depuis la fin de l’année 2010. Désormais, il ne sera pas question pour la CEDEAO d’intervenir dans les conditions de l’absence d’une résolution des nations unies. De fait, la balle passe dans le camp des puissances occidentales.

Laurent-Gbagbo-4-16-copie-1Les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO auraient-ils essayé de cette façon de se débarrasser d’un dossier dans lequel toute action et toute inaction sont susceptibles de susciter un tollé ? Ou faut-il vraiment penser que le besoin de légitimation de l’action militaire internationale a pris le dessus ? Dans un contexte où le gouvernement de Laurent Gbagbo vient de perdre un de ses derniers soutiens que se trouvait être le Président Jose Eduardo dos Santos de l’Angola, qui reconnaît désormais la légitimité d’Alassane Dramane Ouattara, je penche plutôt pour la seconde hypothèse. Il est vrai que les Africains doivent placer tout autant que les Occidentaux leurs actions internationales sous le couvert du Conseil de sécurité des Nations unies. Pour la respectabilité induite et pour priver d’un argument les éternels adversaires de l’avancée démocratique.

Il est évident que la décision ainsi prise par la CEDEAO éloigne pour quelques jours, quelques semaines ou même définitivement de Laurent Gbagbo le spectre d’une intervention armée pour mettre fin à son usurpation du pouvoir. Les membres permanents du conseil de sécurité que sont la Chine et la Russie risquent en effet d’opposer leur veto à une action de la nature de celle qu’appelle de ses vœux Alassane Ouattara. Resterait alors à savoir quelle porte de sortie pourront choisir les partisans d’une intervention armée au sein de la CEDEAO.

La Côte d’Ivoire n’a pas de pétrole, pas beaucoup. Elle ne fait pas courir la France, les Etats-Unis d’Amérique et la Grande Bretagne. On n’y meurt pas encore assez pour amener à une éventuelle abstention de la part de la Russie et de la Chine en cas de vote au Conseil de sécurité. Mais au sein de la CEDEAO, elle est un géant. Un colosse économique dont l’essoufflement risque à terme de faire plus de mal que prévu à ses voisins. L’option militaire s’éloigne encore une fois peut-être, mais il est des responsabilités africaines, mieux ouest-africaines que les Occidentaux ne viendront pas prendre à notre place. Ne clamons-nous pas à qui veut entendre que nous sommes suffisamment mâtures pour nous déterminer par nous-mêmes ? Il serait temps de le prouver. Sans plus verser le sang des ivoiriens… Si possible.

 

James-William GBAGUIDI

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24 mars 2011 4 24 /03 /mars /2011 07:18

La Droite française est aux abois. C’est le règne de la cacophonie. Le triomphe de la confusion. L’empire du charivari. Les élections cantonales sont passées par là. Et plus sûrement le succès annoncé et confirmé de l’extrême droite conduite par sa nouvelle égérie, Marine Le Pen. A un an seulement de la présidentielle, cela a quelque chose d’inquiétant. Pour Nicolas Sarkozy, président de la République française et candidat à sa propre succession. Pour l’Union pour la Majorité présidentielle (UMP), parti majoritaire et dépositaire du projet de société du candidat Sarkozy. Pour la droite, alignée derrière son candidat en rangs dispersés. Et enfin pour la France, écartelée entre ses extrêmes qui se musclent et font parler d’elles.

Marine Le Pen est en passe de réveiller l’extrême droite de la léthargie dans laquelle Nicolas Sarkozy l’a refoulée à l’issue de sa victoire écrasante en mai 2007 sur non seulement la Gauche alors incarnée par Ségolène Royale, mais aussi et surtout le Front national laminé et réduit à sa plus simple expression. Le vieux père Le Pen, Jean Marie avait alors annoncé à cette occurrence que le FN revivrait. Il n’a pas fallu bien longtemps pour qu’il le fasse. De récents sondages l’annonçaient. Les élections cantonales du dimanche 20 mars sont venues le confirmer. L’extrême droite a repris des couleurs et risque de peser d’un poids massif dans le scrutin de mai 2012 au cours duquel, à en croire les sondages d’opinion, Marine Le Pen a des chances de se retrouver au second tour écartant de fait le candidat de la droite, Nicolas Sarkozy. La faute, pense-t-on à droite à un brouillage du message que porte le parti présidentiel et aux confusions avec le message « laxiste » de la Gauche sur les thèmes chers aux électeurs instables entre droite et extrême droite.

Pour répondre à cette équation complexe, l’UMP, dans le cadre du second tour des élections cantonales prévu dimanche prochain, croyait avoir trouvé la solution idéale. Dans les cantons où le parti est écarté du second tour par suite d’une qualification de l’extrême droite, pas question d’appeler à voter pour le candidat républicain resté en course. En d’autres termes, les électeurs de l’UMP ne seraient pas invités à faire barrage au Front national en votant à gauche. Même si un appel à voter FN reste clairement exclu. L’objectif étant de mettre à mal la conception de plus en plus répandue dans l’extrême droite de l’interchangeabilité entre Parti socialiste et UMP, principaux partis de gouvernement depuis l’avènement de la cinquième République. C’est alors que le tollé nait. Et que les fissures se font jour.

Presque immédiatement après cette annonce par Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP, plusieurs leaders de droite se sont désolidarisés. D’abord les traditionnels alliés centristes aujourd’hui réunis autour de Jean-Louis Borloo. Et puis François Fillon, Premier Ministre pourtant, a fait entendre sa différence. Réprimandée et édulcorée depuis, mais différence tout de même. Comme celle qu’ont fait connaître Valérie Pécresse, Ministre de l’Enseignement supérieur, Alain Juppé, Ministre des Affaires étrangères, Gérard Larcher, président du Sénat et d’autres membres éminents du parti présidentiel.

Cette réticence signifie tout au moins deux choses et risque d’avoir de lourdes conséquences à droite dans les mois à venir. Premièrement, l’idée de se refuser à appeler à voter à Gauche pour ne pas perdre d’hypothétiques soutiens à droite en 2012 est pour le moins saugrenue. Il est vrai qu’en récupérant les suffrages des électeurs de droite retournés par dépit à l’extrême, Nicolas Sarkozy court moins le risque d’une défaite lors de la présidentielle à venir. Mais tout de même ! Est-ce pour autant qu’il faut prendre le risque de laisser tomber des conseils régionaux dans l’escarcelle d’un parti ouvertement xénophobe comme le Front national ? C’est à croire que si la droite ne parvenait pas au second tour de la présidentielle à venir, elle eût préféré voir la France basculer à son extrême plutôt que de devoir appeler à voter socialiste. Attitude radicalement opposée à celle de Lionel Jospin en 2002 et de ses successeurs actuels à la tête du camp socialiste. Deuxièmement, la brouille née de cette prise de position officielle de l’UMP, traduit une perte de repères et de leadership. Quand les deux têtes de l’Exécutif en viennent publiquement à ne pas accorder leurs points de vue sur une question de cet ordre. Et la conséquence enfin, c’est pour Nicolas Sarkozy un nouveau signe de d’affaiblissement politique et le risque de résurgence des doutes émis dans son propre camp sur ses capacités à conduire l’UMP à une nouvelle victoire.

Dans ce tohu-bohu à droite, c’est évidemment Marine Le Pen qui pavoise. Plutôt que de les ostraciser définitivement, elle et son camp, Nicolas Sarkozy et ses thuriféraires laissent accroire qu’il y a des idées à puiser de leur côté. Comme s’il vaut mieux ressembler à un parti xénophobe qu’à un parti de gauche. Et la France qui glisse à droite. Par la course de la droite aux trousses de l’extrême droite. Le vent tourne !

 

James-William GBAGUIDI 

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23 mars 2011 3 23 /03 /mars /2011 00:01

adrien-21Comment le Bénin a-t-il pu en arriver là ? Comment le laboratoire africain de la démocratie, le pionnier des conférences nationales, des commissions électorales indépendantes et des alternances régulières a-t-il pu se trouver ainsi aux portes de la plus grave crise politique de toute son histoire ? Comment comprendre que le cinquième processus électoral présidentiel aboutisse à ce point à un pourrissement et que la crise post-électorale en vienne à couver au pays de Béhanzin ?

Le Bénin a voté dans une discipline et un ordre remarquables pour ce que nous avons tous noté et salué le dimanche 13 mars dernier. Le « génie béninois », pensait-on, était de retour. Un retour bien vite remis en cause par les déclarations alarmistes de tous genres venus de tous les bords politiques à la suite de la proclamation des premières tendances issues des chapelles électorales. Les circonstances de la proclamation des grandes « indications » par le Président de la Commission nationale électorale autonome (CENA) et la publication de chiffres contradictoires par le vice-président de cette institution n’ont fait qu’ajouter à une polémique que la publication provisoire des résultats par la Cour constitutionnelle n’aura jamais réussi à éteindre. Désormais, le Bénin a deux présidents. L’un proclamé élu par les institutions chargées de l’organisation du scrutin et de la gestion du contentieux électoral et l’autre, autoproclamé. Boni Yayi et Adrien Houngbédji. Ce n’est pas de bonne guerre. Cette situation ubuesque, directement importée des mauvais exemples que la Communauté internationale et plus particulièrement africaine a laissé se produire sans gêne en Côte d’Ivoire, en Centrafrique, au Gabon et ailleurs sur le continent, inspire les hommes politiques de ce côté des frontières.

Et alors, question : comment tout cela peut-il se terminer ?

Il est de notoriété publique que le fichier électoral portant Liste électorale permanente informatisée (LEPI) a été l’objet de toutes les contestations. Des plus judicieuses aux plus farfelues. Tout le monde a vu les milliers de citoyens qui, à quelques heures du scrutin, tentaient encore de se faire enregistrer pour pouvoir exercer leur droit civique, en vain. Tout le monde a entendu parler de ces fameux camions avec leurs cantines non scellées, déchargées à la CENA hors délai dans des circonstances scabreuses. Tout le monde a entendu, mais tout le monde n’a pas vu. Et surtout pas les observateurs étrangers. Tout le monde connait les circonstances dans lesquelles le Président de la CENA a tenu à annoncer les grandes tendances du premier tour qui donnaient gagnant le Président sortant Boni Yayi. Tout le monde a vu que les résultats proclamés par la Cour constitutionnelle ressemblent sensiblement à celles rendues publiques par le Président de la CENA 48 heures plus tôt.

Il faut donc à la vérité reconnaitre à l’opposition le droit de protester. De crier à la fraude et à la mascarade. Et de vouloir prendre « toutes les mesures légales » pour que le droit soit dit. Dit et respecté. Et c’est justement là que Me Adrien Houngbédji, qui se déclare élu, sans attendre la proclamation définitive des résultats par la Cour constitutionnelle commet une erreur. Compréhensible peut-être à en juger par les mauvais exemples que nous ont montrés les conseils constitutionnel de pays comme la Côte d’Ivoire. Mais contrairement à la situation ivoirienne, peu de choses ici, se dérouleront comme là-bas. La situation du Bénin ne rappelle pas en soi celle de la Côte d‘Ivoire où les Nations Unies ont supervisé le processus d’un bout à l’autre. Les observateurs venus au Bénin ont déjà donné un blanc-seing à l’organisation du scrutin et tout ce qui sera fait à posteriori ne risque pas de changer leur jugement. Au surplus, Me Houngbédji n’a pas à revendiquer la victoire, c’est un second tour qu’il est en droit d’exiger, à en juger par les résultats proclamés par son propre camp et qui le donnent en tête. Au vu de tout ceci, il ne risque en tout cas pas d’obtenir le soutien de la communauté internationale dans sa démarche. D’autant plus que le peuple béninois, dans son ensemble, n’a pas coutume de prendre la rue pour des revendications d’ordre politique, et encore moins face aux risques de violences susceptibles d’en découler.

Par contre, le camp présidentiel aurait tort de pavoiser sur une victoire obtenue dans de telles circonstances de cafouillage pré et post-électoral. Si le scénario à l’ivoirienne semble exclu et que l’auto-proclamation de Me Adrien Houngbédji a toutes les chances de connaitre l’infortune de celle de Mba Obame au Gabon, le souvenir d’une victoire à la Pyrrhus comme celle de François Bozizé en janvier dernier en Centrafrique hante bien des esprits. A moins que, scénario du pire, les ingrédients ne se mettent en place pour que les autorités nous sortent la matraque et la baïonnette à la togolaise. Quelle dégénérescence pour le Bénin ! Que d’être cité dans la division politique des Togo, Centrafrique, Gabon, RD Congo, Congo, Zimbabwe…

Quelle dérision !

 

James-William GBAGUIDI

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22 mars 2011 2 22 /03 /mars /2011 03:39

19 mars 2011 : le soir tombe sur la Libye. Le soulèvement du peuple dure déjà plus d’un mois. Avec 6.000 morts au moins à la clef. Les insurgés sont au bord de l’essoufflement. Quelques heures plus tôt, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a enfin voté la résolution devant permettre de mettre fin aux attaques contre les civils. Mais les troupes favorables au Guide Mouammar Kadhafi ont accéléré le pas. Benghazi est sur le point de tomber. Soudain, zébrant le ciel, une pluie de missiles s’abat. C’est l’aube de l’Odyssée tant attendue. Les troupes du Guide sont stoppées net et ses avions cloués au sol. Tout le monde respire. Tout le monde ? Non. Quelques condamnations fusent. Du Venezuela. De l’Inde. De la Chine. De la Russie. C’est normal, on n’en attendait pas moins de ces Etats. D’autres sont moins compréhensibles, moins rationnelles. Celles de l’Union africaine notamment. « Médecin après la mort. » A proposer encore en alternative une de ses « solutions africaines » dont la recette est tant éprouvée. Et ne fait plus recette.

 Il y a au moins deux façons de lire la position de l’Union africaine sur la situation en Libye. Les condamnations formulées par les Chefs d’Etat et de gouvernement réunis en sommet à Nouakchott ressemblent à tout le moins à une position de principe. Pour une organisation régionale dont l’Acte constitutif promeut très clairement les idéaux de paix et de sécurité sur le continent, de même que la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats. De ce point de vue, l’on peut se borner à comprendre l’attitude tout en se disant qu’elle n’a d’autres buts que d’une part, rappeler l’attachement des Etats africains aux principes fondateurs de leur Union et d’autre part, faire montre au Colonel Kadhafi d’une certaine solidarité à l’heure de l’épreuve. A l’heure où il passe du rôle du chat à celui de la souris. Cette lecture des événements se trouve confortée par le vote positif des Etats africains actuellement membres du Conseil de sécurité de l’ONU à titre provisoire. Autant l’Afrique du Sud que le Nigeria, géants de l’Afrique subsaharienne s’il en est, ont approuvé l’idée de « prendre toutes les mesures nécessaires » afin que cessent les attaques contre les civils. Peut-être ont-ils été contraints suite à des pressions d’adopter cette position, mais rien ne le dit, ni ne le prouve.

La seconde lecture que l’on peut faire des protestations de l’U.A. contre les frappes ciblées en Libye est beaucoup moins indulgente. Remarquez, ces condamnations sont intervenues moins de 24 heures après le début des frappes de la coalition internationale. Avez-vous seulement compté combien de jours ont attendu les dirigeants africains avant, non pas de condamner l’usage disproportionné de la force par le Guide, mais d’appeler à la retenue les protagonistes de la crise ? Alors même qu’aux premières heures du soulèvement, les insurgés et rebelles d’aujourd’hui n’étaient que des manifestants désarmés ! Avez-vous seulement compté le nombre de Chefs d’Etat africains ayant à titre individuel, protesté contre les bombardements aveugles de civils par des avions de combat ? N’a-t-il pas fallu que les hommes du Colonel Kadhafi soient en passe de récupérer les derniers bastions de l’opposition pour que l’Union africaine suggère finalement un panel de Chefs d’Etats chargés de négocier on ne sait trop quoi ?

L’U.A. ne rate pas la moindre occasion de redorer son manteau de syndicat des dirigeants africains. Pas même quand les signaux tendent à une fin inéluctable du dirigeant ainsi défendu. L’organisation panafricaine risque encore une fois de rater le coche de l’histoire. S’il devait arriver que le Guide soit destitué, l’Union africaine, à travers sa maladroite condamnation « sans réserves » des frappes contre ses troupes, aura choisi d’être dans la mauvaise posture historique. Les opinions publiques subsahariennes, mais aussi arabes et encore plus libyenne qui observent le cours des événements, lisent d’un mauvais œil cette diplomatie pusillanime à l’africaine.

Les positions de l’U.A. sont incongrues. Elles traduisent le mal-être d‘une organisation panafricaine en perte de repères. Des repères qui sont pourtant bien soulignés dans son Acte constitutif et qui ont nom respect des droits de l’homme, bonne gouvernance, etc. Ce n’est pas seulement quand les relents d’ingérence dans les affaires intérieures des Etats apparaissent qu’il convient d’agir. Pour être crédible, l’U.A. doit et se doit de se prononcer chaque fois que ses autres principes fondateurs sont mis en péril par l’action de l’un quelconque de ses membres. Aussi puissant puisse-t-il être. A ce prix-là seulement, elle passera pour l’institution crédible qui demain méritera de réunir les Etats africains sous la bannière de l’unité qui va au-delà des mots. Et qui ambitionne de soigner les maux.

En attendant, ne rêvons que modérément. L’U.A. est consciente de la futilité de ses protestations. Mais elle prend ainsi date pour prendre une part active dans d’éventuelles négociations futures. Pour que la marginalisation dont l’Afrique a fait l’objet dans le processus décisionnel ayant abouti aux frappes sur la Lybie ne se produise plus. Pour que l’Afrique compte désormais dans les relations internationales.

                                                                                                                

James-William GBAGUIDI

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21 mars 2011 1 21 /03 /mars /2011 03:26

article CPS HKQ79 171007102424 photo00 photo default-512x33Vive la guerre ! La Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste est depuis quelques heures sous le déluge de feu de la communauté internationale. Attendue et redoutée, espérée et crainte depuis trois semaines, l’opération « Aube de l’Odyssée » vient modifier les rapports de force militaires entre les troupes fidèles au Guide Mouammar Kadhafi et ses adversaires insurgés. Condamné et lâché de toutes parts, le dirigeant libyen qui espérait profiter des divisions au sein de la communauté internationale pour reprendre le contrôle de son pays n’a désormais plus que ses yeux pour regarder se déliter sa puissance… et peut-être bientôt, s’écrouler son régime.

Nul ne doute de la supériorité militaire des forces de la coalition anti-Kadhafi sur les troupes restées fidèles au Guide libyen en passe, il y a quelques heures seulement de reprendre Benghazi, centre névralgique et fief de l’insurrection armée qui menaçait le pouvoir il y a trois semaines encore. La vingtaine d’avions de combat, la quasi-obsolète défense antiaérienne et l’artillerie lourde, s’ils avaient la capacité de défaire les rebelles, ne feront guère le poids face aux missiles tomahawks, aux avions Mirages, Rafales et autres F16 engagés dans les frappes déclenchées contre le dispositif militaire libyen. Il est donc probable que l’issue future de la guerre fasse changer la victoire de camp.

Mouammar Kadhafi, pour avoir décidé de faire gicler de son peuple révolté une « rivière de sang », de le traiter comme on traite « drogués », « rats » et « microbes », a vu voter contre lui, tard, mais finalement pas trop tard, une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies autorisant le recours à la force pour la protection des civils. Même des alliés traditionnels de la Libye comme la Chine et la Russie n’ont pas jugé utile d’opposer leur veto à la résolution. Comment auraient-ils assumé la responsabilité d’avoir laissé faire la sanglante « dératisation » de la Libye, dans un contexte international où l’attention du monde entier est captée par ce fameux printemps arabe ? Comment prendre le risque de s’aliéner le soutien d’Etats membres de la Ligue arabe qui quant à eux s’étaient déjà prononcés pour l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne ? Même si ces dernières heures, la Ligue semble prendre ses distances vis-à-vis de la façon dont se déroulent les opérations. Quant aux Etats africains siégeant à l’heure actuelle au Conseil de sécurité, ils ont dû voter selon leurs propres vues ou convaincus par d’autres moyens si on en juge par la condamnation ultérieure de l’offensive alliée par l’Union africaine.

Mais il ne suffira sans doute pas de frappes ciblées pour faire capituler le Guide libyen. Il reste bien d’atouts dans le jeu du Colonel Kadhafi dont il peut encore user pour soit se maintenir au pouvoir, soit rendre le pays ingouvernable pour ses éventuels tombeurs. Combattre « jusqu’à la dernière goutte de sang » et « jusqu’à ce que la dernière balle ait été tirée » tel que juraient de le faire Mouammar Kadhafi et son fils Seïf al-Islam, peut signifier dans les faits une irakisation, voire une somalisation du conflit. Dans un contexte où il n’est pas question pour les Occidentaux d’envoyer des troupes au sol, laissant aux insurgés la responsabilité de mener l’offensive terrestre. Avec le risque de la cristallisation du front et d’embourbement de la situation. On se dirige peut-être vers la constitution d’un nouveau sanctuaire du terrorisme international sur le continent africain. Avec Kadhafi ou certains de ses amis et ennemis de toujours à la manœuvre. C’est là encore l’un des paradoxes de la guerre en Libye.

En tout état de cause, l’opération militaire en Libye a au moins deux mérites s’il en est : d’une part celui d‘assurer les peuples en quête de justice et d’égalité du soutien que peut leur apporter la communauté internationale, pour peu que les intérêts des « Grands » de ce monde ne sont pas fortement menacés. Car il ne faut pas être dupe de ce type d’action militaire, si le Colonel Kadhafi symbolisait encore les intérêts de l’une des puissances du Conseil de sécurité des Nations Unies, la résolution 1973 n’aurait jamais vu le jour. D’autre part, l’intervention contribuera certainement à mettre fin aux exactions des troupes et des mercenaires du Guide. La France pourra quant à elle remonter sur ses grands chevaux de « patrie des droits de l’homme », au vu du rôle capital joué par le Président Nicolas Sarkozy et surtout par le Ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, dont on n’attendait pas moins.

Les frappes occidentales en Libye ne font que commencer. L’aube de l’Odyssée  annonce peut-être le crépuscule d’un dictateur. Reste que sous d’autres cieux, des despotes du même acabit maintiennent leurs peuples sous le même joug et font couler autant de sang. Et que disent Cameron, Sarkozy et Obama ? Tendez l’oreille !

 

James-William GBAGUIDIarticle CPS HKQ79 171007102424 photo00 photo default-512x33

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18 mars 2011 5 18 /03 /mars /2011 03:44

HAITI 0Michel Martely ou Mirlande Manigat ? La noblesse ou la classe roturière ? La professeure d’Université ou le chanteur populaire ? Les Haïtiens ont fort à faire sur le choix qu’il leur revient d’opérer ce jour à l’occasion du second tour de l’élection présidentielle attendue depuis bien des mois déjà. Après les fraudes et les corrections de fraudes, après l’élimination et le repêchage de leur champion, après les tergiversations de diverses natures, voici arrivée l’heure du choix décisif. Qui pour succéder à René Préval, président sortant ayant étalé ses limites depuis le départ contraint en exil de son prédécesseur Jean-Bertrand Aristide en 2004 ? Qui pour soigner et guérir les maux immensurables dont Haïti la « damnée » souffre depuis son accession à la souveraineté internationale en 1804 ?

Haïti est une société en crise. Pire, Haïti est un pays malade. Malade de sa guerre perpétuelle contre la nature. Malade de son peuple. Malade de ses dirigeants. Passés, présents et peut-être futurs. Malade de ses élites. Malade. Au point où à l’heure de confier son destin à celui ou celle qui aura la charge de relever les défis du futur, il a encore fallu qu’il passe par les étapes déplorables que nous avons évoquées. Et qu’il compte ses morts. Une goutte d’eau dans la mer, ceux-là, quand on pense aux centaines de milliers qui ont perdu la vie dans l’inoubliable séisme du 12 janvier 2010.

Les Haïtiens ont donc enfin l’occasion de renouveler leur classe dirigeante et n’eurent été les fraudes du premier tour et les remous qu’ils ont occasionnés, le verdict des urnes aurait été connu depuis quelques semaines déjà. Mirlande Manigat, ci-devant professeure de droit à l’Université, ancienne première dame et élue habituée du parlement serait peut-être devenue présidente de la république. A moins que le peuple souverain n’eût décidé de confier son avenir au très populaire chanteur Michel Martely qui semble bien partir avec les faveurs des pronostics. D’un côté donc, une Elen Johnson Sirleaf à la haïtienne, et de l’autre un George Manneh Oppong Weah. Décidés tous les eux à en découdre dans les urnes jusqu’au dernier bulletin du dépouillement. Pour peu que les circonstances du premier tour aient servi d’exemple aux structures organisatrices.

Mais comment comprendre la qualification pour le second tour de la présidentielle d’un personnage comme Martely Michel, sans aucune expérience politique, sans aucun parti pour incarner et porter son programme, sans aucun soutien de taille dans la classe politique au moment où il décidait de tenter l’aventure. Les ressemblances avec le Libéria ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Pour qu’un Etat en arrive là, capable de rejeter non seulement sa classe politique traditionnelle, mais aussi sa classe intellectuelle, sur le point de confier la gestion du pouvoir d’Etat à des gens qui en la matière n’ont aucune expérience, ni formation politique, il faut qu’il soit profondément sinistré comme pouvait l’être le Libéria après Charles Taylor en novembre 2005. Le peuple n’est alors plus dupe des promesses faites par ces « cols blancs » qui, une fois élus, sont comme frappés d’amnésie. Il préfère trouver en son sein, parmi ceux qui lui ressemblent le plus, les plus à même de comprendre sa situation et de le sortir de la misère ambiante.

C’est pour cette raison, que je pense, et je peux me tromper, que Mirlande Manigat, ne pèsera pas bien lourd face à Michel Martely lors de ce second tour tant attendu et enfin arrivé. Elle incarne, en tant qu’ancienne première dame tout au moins, l’échec de la classe politique haïtienne qui n’a pas su sortir le peuple de l’ornière. Mais il n’en demeure pas moins que, quand les défis sont aussi colossaux que ceux qu’Haïti doit relever pour amorcer son relèvement, la question se pose de savoir si c’est vraiment le moment de confier le pouvoir à un néophyte en politique. C’est la quadrature du cercle. Qui pourrait peut-être expliquer un éventuel retournement de tendance si jamais Madame Manigat finissait par l’emporter.

Haïti se prépare à offrir aux analystes sociologues politiques une occasion d’éprouver leurs théories sur « les dirigeants que méritent les peuples » et d‘en élaborer d‘autres sur le rejet démocratique des dirigeants politiques dans leur ensemble. Le plus important n’est pourtant pas là. Manigat ou Martely, auront fort à faire pour mériter la confiance que le peuple s’en va placer en l’un ou en l’autre. Je me demande bien, moi, si l’on m’avait offert de devenir sans même avoir à concourir, président d’Haïti par les temps qui courent, j’aurais eu le courage de l’accepter. Mais là, ce n’est que moi. Et vous l’avez sans doute remarqué, dans cette affaire, il ne s’agit à aucun moment de moi.

 

James-William GBAGUIDI

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17 mars 2011 4 17 /03 /mars /2011 03:48

Mouammar-Kadhafi-1-15La victoire de Mouammar Kadhafi est proche. Il n’est pas plus besoin d’être stratège militaire que visionnaire éclairé pour s’en rendre compte. Au train où se déroulent les affrontements sur place, au regard des rapports de force militaires en jeu et en à en juger par le degré de confiance affiché de part et d‘autre de la ligne de front, il semblerait bien que la messe soit dite. Le bain de sang promis par le Guide est en train de « purger » les places fortes de l’insurrection. Bientôt tombera Benghazi. La faute à un agrégat de facteurs dont cette inaction de la communauté internationale dont on ne parvient pas à comprendre les motivations profondes. Mais aurait-il pu en être autrement ?

La communauté internationale a abandonné les Libyens à leur sort. Cette opinion est largement partagée en Libye et hors de Libye depuis qu’il commence à se préciser que les forces loyales au Guide libyen sont loin, bien loin d’être aussi désorganisées et aux abois qu’on l’a fait croire aux premières heures de l’insurrection anti-Kadhafi. De fait, après l’effet de surprise, le Guide a fait front et est depuis en train de reprendre laborieusement le terrain perdu. Les « rats » et les « microbes » qui ont osé le défier en auront bientôt pour leur compte.

C’est alors que surgissent une foule de questions. Des questions adressées à la communauté internationale qui n’a pas réussi à s’entendre pour autoriser la mise en place d’une zone d‘exclusion aérienne qui aurait peut-être évité aux villes prises par les rebelles de retomber aussi rapidement et facilement dans l’escarcelle du dirigeant libyen et de son clan au pouvoir depuis 42 ans. Comment expliquer les divisions de cette prétendue communauté internationale sur une question qui engage non seulement la liberté, mais aussi la vie de centaines de milliers, voire de millions d’individus ?

Comme à l’accoutumée, c’est à l’aune des intérêts et des peurs particularistes qu’il faut analyser la situation. D’abord de ceux qui se sont prononcés d’un bout à l’autre contre la mise en place de la « no fly zone » au-dessus de la Libye. Au premier rang de ceux-ci, les éternelles Russie et Chine, membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, dont la politique extérieure tient toujours très ostensiblement compte de leurs intérêts immédiats et lointains. Aux plans politique, économique et militaire. En l’espèce, les contrats dans les domaines pétrolier et gazier avec la Libye de Kadhafi sont bien trop importants aujourd’hui pour que des puissances comme la Chine et la Russie prennent des positions tranchées sans avoir l’assurance que le sort du Guide était militairement scellé. Par ailleurs, les chasseurs Soukoy de l’armée de l’air libyenne sont de fabrication soviétique ; et cela signifie quelque chose. En plus, les peuples susceptibles de se soulever ainsi que le font les Libyens ne manquent ni en Chine (Tibétains, Wighours…), ni en Russie (Tchétchènes, Daghestanais…), et il convient donc de traiter ce type d’insurrection avec minutie et circonspection.

Aux côtés de la Russie et de la Chine, bien involontairement, l’Allemagne et les Etats-Unis d‘Amérique qui, au sein du G8, ont marqué leurs réserves sur la faisabilité de la proposition d’une zone d’interdiction de survol sur le territoire libyen. Cette position, instillée notamment par les professionnels américains de la stratégie militaire, tient compte des risques liés au déploiement inévitable d’une armada plus ou moins conséquente au sol dans l’optique de la réalisation de la « no fly zone ». Pour une armée américaine consciente par empirisme, de la difficulté de tenir des positions dans un pays arabe, même quand on s’y est déployé en armée de libération, les réticences sont compréhensibles. D’autant mieux que tout au début des événements, les insurgés avaient exprimé leur opposition à un déploiement militaire étranger au sol, même en leur faveur. Sans compter par ailleurs que même si la décision était prise d‘instaurer une zone d‘exclusion aérienne, le temps nécessaire à l’opérationnalité de cette mesure aurait sans doute suffi à Kadhafi pour reprendre la main. Quant à l’Allemagne, elle tient sans doute compte des risques militaires, mais aussi comme beaucoup d’autres Etats, des conséquences éventuelles d’une guerre de grande ampleur en Libye dans laquelle seraient impliquées des forces extérieures, notamment des forces allemandes (pourquoi pas ?). Il ne faut pas non plus croire que le besoin de stabiliser les cours du pétrole sur les marchés internationaux est étranger à la décision prise de ne rien décider.

Pour l’heure, la conséquence en est que le Colonel Kadhafi reprend du poil de la bête. Et a beau jeu de se moquer de la diplomatie française, seule à avoir reconnu le Conseil national de transition mis en place par les insurgés, comme unique interlocuteur légitime en Libye. La France qui, dans ce cas de figure, a sans aucun doute commis son troisième impair dans le jugement et les positions adoptées vis-à-vis du « printemps arabe », n’a pas encore guéri de son amateurisme diplomatique de ces derniers mois.

Ce qui se joue en Libye aujourd’hui va au-delà d’une guerre civile ordinaire. C’est tout le sort du printemps arabe qui est suspendu à celui de ces pauvres jeunes insurgés qui contre les chars et les avions du Colonel, n’ont que leurs lance-roquettes, leurs fusils et leur cœur.

 

James-William GBAGUIDI

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15 mars 2011 2 15 /03 /mars /2011 14:16
Le génie béninois est de retour. J’irais même jusqu’à dire qu’il n’était pas allé bien loin. Il n’était même allé nulle part. Caché peut-être pour mieux ressurgir, le « génie béninois » vient de récidiver. C’était le 13 mars dernier. A l’occasion du premier tour de la présidentielle 2011. Alors que tout le monde avait déjà désespéré de lui. Et tous les Béninois depuis, respirent. Conceptualisé pour expliquer par l’irrationnel, l’attitude de la population béninoise toujours prompte à déjouer les prévisions les plus catastrophiques quand le pays se trouve en délicatesse vis-à-vis de son histoire, le fameux « génie béninois » n’a pas d’existence que dans l’inconscient collectif d’une classe intellectuelle capable de l’évoquer et de l’expliquer. Le scrutin présidentiel de 2011, dans son déroulement et son issue probable, en donne la pleine mesure. Il n’est un secret pour personne que l’élection présidentielle de ce 13 mars n’était pas partie pour se tenir dans les meilleures conditions possibles et imaginables. Au-delà des ratés consubstantiels à toute élection dans un pays en développement du niveau du Bénin, de nombreux dysfonctionnements étaient attendus du fait de l’impréparation évidente et des problèmes liés à la liste électorale permanente informatisée (LEPI). La LEPI « bâclée », comme ont eu à le dire certains ténors de la classe politique d’opposition, ne pouvait qu’engendrer des problèmes. Tout le monde avait vu que la loi dite de « repêchage » n’avait pas repêché grand monde. C’est de ces « oubliés », restés agglutinés dans les mairies et sièges d’arrondissement des grandes villes du pays jusqu’à l’avant-veille du scrutin, farouchement décidés à faire respecter leur droit civique, que moi je redoutais le pire le jour du vote. Allaient-ils à nouveau sortir et se présenter dans les centres de vote pour exiger de les laisser accomplir, sans satisfaire aux conditions, leur droit civique ? De même, l’opposition politique, qui en vertu des chiffres de la LEPI rendus publics, semblait désavantagée, était-elle capable de décider de jeter ses militants dans les rues et perturber le déroulement d’un scrutin dont le report a été demandé jusqu’au bout ? Par ailleurs, la Commission électorale nationale autonome (CENA) mise en place hors délai, contrainte de travailler avec plusieurs autres institutions impliquées dans l’organisation du premier tour, de la CPS à la MIRENA, en passant par le Ministère de la Défense, le Ministère de l’Intérieur, la Cour constitutionnelle et la HAAC, avait-elle les moyens d’organiser un scrutin exempt de reproches ? Sans l’intervention du « génie béninois », cette once de sagesse, cet esprit patriotique et ce bout d’abnégation dont ils savent faire preuve, les Béninois auraient laissé donner des réponses aux conséquences calamiteuses à ces interrogations. Tout le monde a vu les conditions de paix et de tranquillité dans lesquelles les citoyens ont décidé de sortir exprimer leurs suffrages. Les dysfonctionnements étaient surtout organisationnels. Pas du fait d’agitateurs ou de perturbateurs zélés. Pas même dans les fiefs de l’opposition. Par ailleurs, les grandes tendances en cours de proclamation dévoilent une autre part du « génie béninois ». Qui m’amène à me poser une question matricielle en mettant en perspective les populations d’une part et les hommes politiques de l’autre : qui manipule qui ? A quoi ont servi les centaines de millions de francs investis par les candidats dits de la troisième voie et leurs suivants, si les tendances sont bien celles qui ont été jusque-là publiées ? Les Béninois ont choisi leurs ténors. Les challengers depuis longtemps attendus, d’un éventuel second tour. A eux deux, ils capitaliseraient plus des 80% des suffrages exprimés. Cela apprendra peut-être aux autres à ne pas venir jouer les figurants quand les jeux sont aussi clairement faits d’avance. Il reste que le génie béninois n’a pas encore achevé son œuvre de 2011, même si cette première phase a été accomplie avec brio. Tant que la prestation de serment du 6 avril n’aura pas eu lieu, il lui restera une part de mission inachevée. Après 1990 et 1991 où il a su accompagner les assises de la Conférence nationale des Forces vives de la Nation, puis permis une alternance pacifiée, après une nouvelle alternance paisible en 1996, une reconduction calamiteuse mais tranquille en 2001, suivie en 2005 d’un refus du Président Kérékou de réviser à son profit la constitution, et enfin en 2006 la victoire non contestée de Thomas Boni Yayi, il reste au génie béninois à travailler à décrisper la tension politique, quel que puisse être l’élu de 2011. A ce prix-là, il sera définitivement reconnu dans ses prérogatives peut-être irrationnelles, mais d’une large utilité publique pour les béninois. James-William GBAGUIDI
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9 mars 2011 3 09 /03 /mars /2011 11:57

Chieck-modibo-diarra.jpgQu’un astrophysicien de la trempe de Cheikh Modibo Diarra, l’africain le plus célèbre de la NASA, ait la tête dans les étoiles, cela ne devrait étonner personne. C’est son job. C’est à cela qu’il’ doit d’être devenu célèbre et réputé. Sauf que les étoiles dans lesquelles il engage ses neurones depuis son retour des Etats-Unis d’Amérique, et plus ces derniers jours que jamais, n’ont rien à voir avec Saturne, Jupiter ou Mars. C’est à présent le firmament de la vie politique malienne qui attise les ambitions du Cheikh. Sauf que sur le coup, il me semble bien que Modibo Diarra devra concocter un programme autrement plus élaboré que celui qui lui a permis d’envoyer la première mission exploratoire jamais organisée sur la planète rouge. Un programme et un profil pour convaincre des hommes.

C’est ces derniers jours que Cheikh Modibo Diarra laisse le mieux transparaître, mieux que jamais, les ambitions qui sont les siennes pour l’élection présidentielle prévue au Mali en 2012. Dans cette optique, il a notamment créé son parti politique le dimanche 6 mars 2011 dans une ferveur populaire et une ambiance digne d’un grand show à l’américaine, dont il doit, pour avoir si longtemps vécu aux Etats-Unis, connaître les moindres rouages. La mise en scène en tout cas était haute en couleurs. Et dignement animée. De quoi alimenter les rumeurs sur une éventuelle candidature de l’homme de science lors de la présidentielle prévue en 2012. Rumeurs ? Plutôt certitudes. Il ne fait plus l’ombre d’un doute que Cheikh Modibo Diarra sera candidat. Et rêve donc de présider aux destinées des maliens. Sans doute oublie-t-il ou fait-il volontairement litière de tous les obstacles qui se dressent sur le chemin qui doit le conduire à cette fin. Obstacles tous plus robustes les uns que les autres. Et qui portent des noms.

Cheikh Modibo Diarra est un personnage populaire. Cela ne fait aucun doute. Pour la plupart des Africains, il est même un modèle. Un modèle de réussite dans un univers pour le moins fermé aux gens de sa race, de son origine. Il laisse nourrir l’espoir qu’à force de travail, l’homme noir peut exceller dans des domaines que l’imaginaire populaire interplanétaire pense à tort être le domaine réservé de certaines races et pas d’autres. Rien que pour cela, Cheikh Modibo Diarra mériterait bien d’être appelé à de hautes responsabilités sur le continent. Mais de là à pouvoir compter réellement sur l’échiquier politique d’un pays comme le Mali, le pari n’est pas gagné d’avance. Encore lui faudra-t-il donner les gages d’une connaissance profonde de la société malienne qui a sans doute besoin, après deux décennies de démocratie peu productive en termes de développement, de se lancer sur la voie du progrès économique. Et de ce point de vue, l’absence prolongée du Cheikh de la terre malienne durant de nombreuses années, ne plaide pas forcément en sa faveur.

Par ailleurs, surmonté cet obstacle primaire, le Cheikh va devoir en affronter d’autres qui ne sont autres que les animateurs traditionnels de la vie politique malienne, que son intrusion n’a pas dû remplir d’aise. De Soumaïla Cissé, en qui je vois un DSK malien au vieux briscard Ibrahim Boubacar Kéita, en passant par l’actuel Premier Ministre Modibo Sidibé, Cheikh Modibo Diarra aura fort à faire pour se frayer un chemin jusqu’à la magistrature suprême du Mali qu’il convoite en même temps que ces hommes. En effet, Soumaïla Cissé, candidat malheureux au second tour de la présidentielle en 2002, arrive en 2012, auréolé de son passage à la tête de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) où il a peaufiné sa stature d’homme d’Etat en contact avec les réalités de toute la sous-région et imprégné de l’expérience de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement partenaires. De son côté, Ibrahim Boubacar Kéita peut penser qu’avec l’élection récente d’un Alpha Condé en Guinée, l’issue attendue de la présidentielle au Niger où Mahamadou Issoufou est en passe de se faire élire, son heure, comme celle de ces vieux routiers de la politique est enfin arrivée. On aura l’occasion de vérifier, mais ses chances semblent en tout cas réelles. Quant au premier Ministre Modibo Sidibé en place depuis 2007, il récoltera en partie les lauriers du bilan du Président Amadou Toumani Touré, auquel il saura sans doute ajouter sa personnalité de technocrate attitré.

Modibo Diarra en politique, c’est indubitablement à un autre type de politique que les Maliens sont appelés. S’il leur prenait l’envie de rompre d’avec leur classe politique traditionnelle à qui l’on peut imputer les errements de ces décennies perdues, le Cheikh incarnerait sans ambages la rupture. C’est peut-être le pari qu’il fait aujourd’hui. Et dont la réponse sera pour demain.


James-William GBAGUIDI

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