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8 mars 2011 2 08 /03 /mars /2011 11:38

Jacques_Chirac.jpgLa popularité d’aujourd’hui fait oublier les fautes d’hier. Pépé Chirac doit en être de plus en plus convaincu. Lui qui, du haut de ses 79 ans, de son image rabibochée depuis la fin de son mandat, de son engagement en faveur des pauvres dans les pays pauvres, voit la France se diviser sur le sort qui doit lui être réservé dans l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris dont il était le premier élu dans les années 1980. Un sentiment général émerge, que l’on soit de gauche ou de droite, qui accrédite la thèse selon laquelle, tant d’années après, tant de services rendus plus tard, le procès de l’ancien Président n’a plus vraiment de raison d’être.

La France veut juger un de ses anciens Présidents. Dans la cinquième république c’est inédit. Mais Jacques Chirac, s’il est un jour, vraiment appelé à la barre, le sera, non pour des indélicatesses commises dans ses fonctions de Chef de l’Etat, mais plutôt pour des faits datant de l’époque où il était Maire de la ville de Paris. A cette époque, la Mairie de Paris avait attribué des emplois fictifs et les rémunérations correspondantes à plusieurs cadres du RPR, le parti du Maire Chirac. Cette pratique dont on dit qu’elle était assez commune à cette époque en France visait à renflouer les caisses des partis en charge de hautes fonctions, que ces partis soient de droite ou de gauche. Sa mise à nu en 2001 n’en a pourtant pas moins choqué l’opinion publique, à telle enseigne que des procès retentissants s’en sont suivis. Les uns plus médiatiques que les autres. L’un aboutissant à la condamnation en 2004 de l’ancien Premier Ministre Alain Juppé à un an d’inéligibilité. Les poursuites contre Jacques Chirac, encore Président à cette époque, firent « pschitt ! »… de sa propre expression.

Du temps a passé depuis. L’ardeur des juges et de la justice ne s’est peut-être pas émoussée, mais bien d’eaux ont coulé sous les ponts. Jacques Chirac, depuis bientôt quatre ans, n’a plus aucune fonction officielle. Et les caméras s’étant détournées de lui, quelque chose dans le regard des Français sur leur ancien président a changé. D’abord parce qu’ils ont eu le temps de le comparer à son successeur. Et de voir que la fonction présidentielle ne polit pas naturellement les manières abruptes qui peuvent être celles de certains hommes d’Etat. La noblesse de caractère de Jacques Chirac, sa proximité avec le petit peuple et le monde paysan en particulier, ses petites blagues… ça ne s’invente pas. Et ça se regrette quand ça manque autant à la vie publique française. L’ancien Président capitalise également sur la Fondation qu’il a créée pour s’occuper de la question des faux médicaments dans les pays pauvres et qui lui donne une nouvelle aura internationale d’homme de bien. Au final, Jacques Chirac, plus populaire aujourd’hui que jamais, est de plus en plus perçu comme un pépé sympa à qui la justice devrait « foutre la paix », surtout que dans cette fameuse affaire des emplois fictifs de l’Ile de France, il n’a pas connu d’enrichissement personnel et illicite.

Est-ce pour cela que la justice française semble moins encline aujourd’hui qu’hier à faire rendre gorge à un personnage dont le rôle dans cette scabreuse affaire a tout de même sali l’image de la France par-delà ses frontières ? De là à répondre par l’affirmative, il n’y a qu’un pas. Une chose est certaine, le procès ouvert ces derniers jours a peu de chances de se dérouler. L’avocat de l’un des co-accusés de Jacques Chirac a soulevé une question de constitutionnalité dont l’examen nécessite le renvoi du procès pour une durée d’au moins six mois. Dans le même temps, certains évoquent une possible prescription de l’affaire. Auquel cas, tous les chefs d’accusation contre l’ancien Président et ses présumés complices, tomberaient tout simplement à l’eau. C’est l’exemple que la France nous donne. Nous autres qui en Afrique ne savons pas que le Chef doit aussi rendre des comptes.

Jacques Chirac peut en tout cas dormir tranquille. Au mieux, il sera simplement épargné d’un jugement que l’opinion publique française ne tient plus tant à voir se dérouler. Au pire, il sera condamné à un « petit quelque chose de tout à fait symbolique » qui ne le privera pas bien longtemps de sa popularité retrouvée. C’est dans cette deuxième dynamique que je m’inscris pour ma part. L’immunité qui a permis à Jacques Chirac de se soustraire à la justice un temps, ne doit pas se muer en impunité. La bonne réputation internationale de la France en dépend. Et quelques Africains espèrent encore en prendre de la graine. Pour la France, donneuse de leçons dans l’actuel contexte international marqué par les révoltes dans le monde arabe, la meilleure pédagogie passe par l’exemple.

 

James-William GBAGUIDI

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7 mars 2011 1 07 /03 /mars /2011 11:49

Marine-Le-Pen5.jpgTant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse. La ritournelle sécuritaire voire ultra-sécuritaire qui a longtemps caractérisé le discours politique de la droite en France n’a peut-être pas connu la plus catastrophique de ses issues en 2002 quand le Premier Ministre Lionel Jospin a été écarté du second tour de la présidentielle par les électeurs au profit du leader d’extrême-droite Jean-Marie Le Pen. En 2012, c’est encore pire qui se prépare : la qualification, en tête, de la nouvelle égérie du Front national, la fille de son père, Marine Le Pen. Ces dix dernières années ont été consacrées à ce qu’on en arrive là. Dans tous les camps, mais surtout à droite. Consciemment ou inconsciemment.

Un sondage publié ce dimanche crée des frissons et des frictions dans les Etats-majors politiques de l’hexagone. Il donne la candidate déclarée du Front national en tête de la présidentielle de 2012 en France devant la Chef de file des socialistes Martine Aubry et le Président Nicolas Sarkozy, au cas où le scrutin aurait lieu par les temps actuels. Tsunami. Personne depuis bien des mois, n’avait semble-t-il songé à ausculter l’opinion publique française en ces termes exacts, qui excluent la candidature de certains poids lourds comme Dominique Strauss-Kahn, et mettent en vedette Marine Le Pen dont la popularité va croissant. La preuve. Sans préjudice de la valeur scientifique toute relative que l’on doit donner à ce type de consultation de l’opinion publique, il y a une petite analyse qui mérite d’être faite sur les projections annoncées.

Sa montée en puissance, Marine Le Pen la doit d’abord à elle-même. A son image racée, en bien de point opposée à celle infiniment plus teigneuse de son géniteur. Elle la doit également au discours xénophobe de son parti dont elle a débarrassé quelques grossièretés sans pour autant renoncer à la matrice, à la substance constitutive. Ce discours ultranationaliste qui entend faire de chaque habitant de la France un Français ou à le prier de déguerpir. Ce discours ouvertement raciste et antimusulman. De là à croire que les Français sont devenus racistes et xénophobes, il n’y a qu’un pas. Que la droite traditionnelle a de temps à autre franchi sans l’avouer ces dernières années, à travers des propos et des initiatives plus portées par les théories d’extrême droite que jamais auparavant on ne l’avait vu dans la cinquième république. Le débat sur l’identité nationale, les prises de position du gouvernement et de son chef sur le port du voile, sur la prière dans la rue des musulmans, etc., ont illustré l’éternelle course de la droite aux trousses de son extrême, sauf que contrairement à l’effet de 2007 où le parti de Jean-Marie Le Pen s’est retrouvé avec le plus faible score jamais obtenu à une présidentielle, c’est cette fois-ci la droite qui en paye le prix. Pour l’instant dans les intentions de vote.

Il était très probable que cet effet boomerang allait finir par se produire. A l’occurrence de sa prise de fonction, Nicolas Sarkozy, soucieux de rogner sur tous les électorats classiques de France a annoncé sa fameuse politique d’« ouverture ». Pour un président qui s’était fait élire notamment sur les thèmes de l’extrême droite, gouverner en concordance avec des politiques alliant personnalités et des idées de gauche, de droite et du centre était un pari risqué. Qu’il a visiblement perdu. L’ouverture à gauche n’est plus qu’un vague souvenir et les percées de Marine dans l’électorat de droite ne risquent pas de changer cet état de choses. Bien au contraire. Car aujourd’hui, c’est l’extrême-droite qui chasse sur les terres de la droite et pour se tirer de ce mauvais pas qui risque de lui coûter sa qualification pour le second tour de la présidentielle de 2012, Nicolas Sarkozy va bientôt nous ramener son vocabulaire musclé au « Karcher ».

Quant à la gauche dont l’absence de programme et de vision claire alimente la déviance, elle a peut-être de quoi se réjouir cyniquement de ce sondage d’opinion, puisque de toute façons, c’est visiblement la droite qui y perd son latin et des plumes. Comme pour la présidentielle de 2002, la droite n’aurait pas d’autre choix que d’appeler «la mort dans l’âme », comme disait Lionel Jospin, à voter pour le candidat idéologiquement le plus acceptable, celui qui pourrait encore donner de la France l’illusion de la nation égalitariste, respectueuse des droits de l’homme, accueillante et hospitalière.

Que Marine Le Pen parvienne, ne serait-ce que dans les intentions de vote, à sembler pouvoir homologuer sa présence au second tour de la présidentielle en France est enfin un mauvais signal pour les Etrangers de France. Le « choc des civilisations » à petite échelle que connait le pays depuis plusieurs années ne pourra que s’en accentuer. Mettant Noirs et Blancs en porte-à-faux, Musulmans et laïcs conflit, Français de souche et Français d’adoption en adversité. Même si Marine ne sera sans doute jamais présidente de France, c’est un signal inquiétant que la France donne au reste du monde. Inquiétant et dangereux.

 

James-William GBAGUIDI

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4 mars 2011 5 04 /03 /mars /2011 15:23

La Libye à l’heure de la tragédie : Mouammar Kadhafi massacre son peuple. Et ne s’en cache pas. L’opération de « dératisation » que le Guide a lancé n’épargne ni les émeutiers révolutionnaires qui ont osé le défier, ni les populations en liesse qui ont eu l’outrecuidance de se réjouir de ce que les heures du régime s’égrenaient désormais à rebours. Peut-être ont-ils eu tort, tous autant qu’ils sont de penser qu’il serait facile de déboulonner l’homme. Facile et rapide. On se rend bien compte que non. Non content d’avoir conservé la haute main sur la capitale Tripoli et sa région où il se permet même de sortir à la rencontre de ses derniers partisans, le Colonel Kadhafi tente de reconquérir les zones dites libérées du pays. A coup de pilonnages, de bombardements, de massacres. Face auxquels la communauté internationale entend bien réagir. Mais comment ?

La situation militaro-humanitaire de la Libye est pour le moins préoccupante. Le monde n’a pas dû connaitre une situation de ce type depuis la disparition des Pol Pot, Mengistu Hailé Mariam, Idi Amin Dada, Augusto Pinochet… Un dirigeant confronté à la contestation de son pouvoir par la rue menace et décide d’en découdre avec des opposants par la force des armes. Tuer pour vivre. Tuer ? Pire, massacrer, exterminer, anéantir. Afin que ne subsiste nulle part en Libye la moindre poche de résistance, le moindre îlot de contestation. La ligue libyenne des droits de l’homme évoque déjà un bilan de six mille morts. En moins de trois semaines de contestation. C’est énorme. Et la communauté internationale, restée parfois trop souvent silencieuse, excessivement statique quand ses alliés en sont à se démener dans l’adversité, se doit de se démarquer et le fait. Hormis l’Afrique désespérante d’apathie, dont seuls trois chefs d’Etat et de gouvernement ont condamné le sort fait aux Libyens, le monde entier s’insurge. Et la controversée notion du droit ou du devoir d’ingérence refait surface et prend tout son sens. Au nom de quoi faut-il laisser un groupe d’émeutiers mal formés, portant les aspirations légitimes du peuple, résister tout seul aux assauts aériens et terrestres d’une puissante milice de mercenaires à la solde de Mouammar Kadhafi ? Mais comment alors les aider dans les circonstances qui sont non seulement celles de la Libye, mais plus globalement celles du monde arabe aujourd’hui en crise ?

Premier élément, qui, pour aider les Libyens ? Les candidats ne manquent pas. Heureusement. Des Etats-Unis d’Amérique soucieux de sauvegarder des intérêts indéniables aux autres puissances internationales qui souhaiteraient avoir leur mot à dire. France, Grande-Bretagne, Italie… Seulement, la conviction des uns et des autres achoppe sur les moyens de cette assistance aux insurgés. Plusieurs propositions restent à l’étude dont celle de la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus du territoire libyen, qui empêcherait désormais l’aviation du Guide de poursuivre ses attaques aériennes contre les manifestants. Une autre option est celle de l’invasion systématique des derniers bastions du Colonel Kadhafi afin de le capturer et ainsi mettre fin aux exactions commises par ses troupes. Enfin, la troisième option est celle de l’assistance militaire logistique et en conseils aux insurgés pour leur faciliter la prise de Tripoli.

Chacune de ces solutions comporte ses risques. La moins recommandable sans doute est celle de l’intervention militaire directe d’une armée ou d’une coalition étrangère contre les forces du Guide. Les insurgés s’y opposent d’ailleurs. Ses effets seraient pour le moins contre-productifs. Le soulèvement populaire du monde arabe ne doit rien à une quelconque influence venue de l’ouest. Il n’est donc pas question pour les leaders de ces mouvements d’émancipation de laisser des donneurs de leçons que savent être les Français, les Américains et les autres venir leur voler leur action. Au surplus, quand on sait l’ampleur du sentiment antioccidental qui est profondément ancré dans l’opinion publique de ces pays en raison de l’éternel dossier israélo-palestinien, des alliés comme les Etats-Unis ne sauraient être qu’encombrants. Et d’ailleurs, les Etats-Unis ne le savent que trop bien, on est si vite passé du statut de libérateur et de protecteur à celui d’occupant.

Quant aux autres moyens d’accompagnement des rebelles libyens, il vaut mieux encore leur faciliter la prise de Tripoli en décrétant cette fameuse zone d’exclusion aérienne, voire même en participant à des attaques aériennes contre les forces fidèles au clan Kadhafi. Etant donné que les actuels ennemis du Guide ne sont pas formellement identifiés et leurs intentions claires, il serait dangereux de leur fournir des armes et des munitions dont l’usage final, la destination du terme n’est pas connue. Si les Etats-Unis d’Amérique avaient su ce que Saddam Hussein ou Oussama Ben Laden allaient faire des moyens logistiques mis à leur disposition lors de l’alliance stratégique contre l’Iran pour l’un et l’URSS pour l’autre…

Intervenir aujourd’hui en Libye est un impératif. Dans les formes exigées par la géopolitique et l’historiographie de la région dans son ensemble. Il faut pour commencer sauver les Libyens. Le reste viendra.

 

James-William GBAGUIDI

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3 mars 2011 4 03 /03 /mars /2011 15:19

Ces gens-là sont des bêtes sauvages ! Rassurez-vous, ce n’est pas moi qui le dis, ni le pense. Mais depuis environ trois semaines que le tourbillon de révoltes du monde arabe a touché la citadelle libyenne, cette réflexion se fait jour de plus en plus ouvertement. Dans les mots et dans les actes des insurgés. Et pas seulement.

Les Noirs de Libye sont aujourd’hui dans l’œil du cyclone. Simples migrants, chercheurs d’aventure ayant répondu à l’appel du large pour les uns, mercenaires véreux soucieux de sauver leur commanditaire pour les autres, ils sont des milliers à raser les murs libyens ou arpenter les rues. Les uns à la recherche du salut, les autres à la quête de scalps rebelles. Ils sont soudanais, tchadiens, nigériens, maliens, sierra-léonais, libériens… Partout où ils passent en Libye par ces temps de guerre civile, nul ne veut voir en eux de pacifiques immigrés. Ils passent pour être la principale branche armée sur laquelle le clan Kadhafi fonde la survie de son régime. De fait, il n’est pas faux que depuis des temps immémoriaux, le Guide libyen dispose de sa « légion étrangère ». Fidélisée à coups de pétro-dinars et spécialisée dans la déstabilisation des régimes politiques voisins de la Grande Jamahiriya, mais défavorable à la politique extérieure de son gouvernement. Ces gens-là sont les « bêtes sauvages » que le Colonel Mouammar Kadhafi lance aujourd’hui, face aux nombreuses défections dans son armée, à l’assaut de son peuple réduit à l’état de « rats » et de « microbes ». Ces gens-là ne s’en comportent pas moins comme des bêtes sauvages. Ils volent, violent, massacrent les pauvres libyens insurgés. Qui ont osé revendiquer un peu plus de justice, de liberté, d’égalité. Ils tuent au nom du Guide, mais aussi en leur intérêt propre. Car leur avenir est intimement lié à celui du clan Kadhafi. De son rapport privilégié au pouvoir. De la sauvegarde de ses privilèges.

A côté de ces Noirs de Libye, dont il serait faux de penser qu’ils sont les seuls mercenaires au service du pouvoir, les autres. Ces pauvres jeunes gens qui un jour, dans leurs villages reculés africains, ont entendu dire que le pétrole coule à flot au pays du Guide et ont décidé de tenter l’aventure. Ces immigrés, clandestins pour la plupart, arrivés en Libye pour faire fortune et employés le plus souvent dans les secteurs d’activité les moins valorisants. Ceux que les Libyens dédaignent. Ces pauvres noirs qui de temps à autre, servent de faire-valoir et sont expulsés manu militari du pays lorsque le Guide veut faire porter le chapeau de l’insécurité et du manque d’emploi à l’immigration clandestine. Ces gens-là, aujourd’hui en Libye, sont perçus comme des bêtes sauvages. Et traités comme tel. Les insurgés ne tentent plus en effet de distinguer entre mercenaires à la solde de Kadhafi et pauvres immigrés en perte de repères. Pour peu qu’ils sont soupçonnés d’appartenir à la milice du Guide, ou dès que l’on trouve en leur possession des armes qui n’étaient censées servir qu’à leur protection, ils sont arrêtés, lynchés, exécutés.

Le racisme en Libye, du fait de l’insurrection et de la contre-insurrection, a pris des proportions effrayantes. Il ne fait pas bon être Noir sur la terre arabe de Libye par les temps qui courent. Alors question : que diable font les Etats dont sont ressortissants ces pauvres bougres livrés à la vindicte des émeutiers ? Où se trouve la fameuse Union africaine dont je ne perds même pas mon temps à exiger une condamnation des actes de barbarie commis par les forces loyales au Guide Kadhafi ? Si individuellement, les Etats ne disposent pas des moyens logistiques pour organiser l’évacuation de leurs ressortissants, ne revient-il pas à l’organisation panafricaine ou tout au moins aux organisations sous-régionales de prendre les dispositions requises pour voler au secours de ces personnes prises au piège ? Non, personne ne bouge. « Ces gens-là sont des bêtes sauvages ! ». A quoi bon s’en occuper ?!

Sauf que parmi ces gens-là, tristement abandonnés à leur sort, il se trouve l’oncle de quelqu’un, le père de quelqu’un d’autre, l’épouse d’un autre encore. Et si rien n’est fait pour eux, un drame dans le drame libyen viendra éclabousser, ce ne serait pas inédit, le « syndicat des Chefs d’Etat et de Gouvernement » de l’Union africaine dont le généreux arrosage en pétro-dinars par le Guide libyen ces dernières années explique à n’en point douter ce silence assourdissant. C’est cela l’Afrique dont nous rêvions. Les Etats-Unis d’Afrique de Mouammar Kadhafi. Nous y serions tous des « microbes », des « rats » ou des bêtes sauvages ».

 

James-William GBAGUIDI

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2 mars 2011 3 02 /03 /mars /2011 15:01

Peuple de « rats ». Peuple de « cafards ». Peuple de « microbes ». Voilà à quoi le Guide de la révolution libyenne, le colonel Mouammar Kadhafi a fini par réduire ceux qui en Libye, se sont levés pour défier son pouvoir et exiger son départ. Ceux qui ont pris possession de la rue. Ceux qui crient plus que haut l’exaspération du peuple et son désir de changement. Ceux qui ne sont autre que le peuple. Seïf Al Islam leur a promis des « rivières de sang ». Pour conserver pouvoir et privilèges, les Kadhafi se montrent prêts à tout. Jusqu’à la déshumanisation de l’être.

L’histoire des peuples africains est jonchée de cadavres. Maculée de sang. Cadavres de ceux qui, de Conakry à Addis-Abeba, de Kampala à Ségbana, de Lomé à Kinshasa, ont un jour eu l’outrecuidance de dire non. Ceux qui, non contents de rêver de justice et de liberté, ont osé le faire savoir à leurs semblables. Certains portent des noms célèbres : Patrice-Emery Lumumba, Thomas Sankara, Mohamed Bouazizi. Les autres, dont le souvenir se perd dans l’immensité du nombre, sont d’illustres anonymes. Martyrs d’un égalitarisme dont la quête ne s’achèvera peut-être jamais, mais martyrs quand même. Le clan Kadhafi et sa tribu ne seront pas les premiers à décider de verser des torrents de sang de leurs sujets dans le dessein de restaurer leur autorité et remettre d’aplomb ce pouvoir si cher à tous ces dictateurs et fils de dictateurs que le continent africain fabriqua, fabrique et continuera de fabriquer, même dans certains systèmes démocratiques visiblement mis à l’épreuve.

La réflexion que j’appelle alors porte sur le pouvoir, défini comme la capacité de commander, c’est-à-dire de contraindre et d’être obéi. Sur sa fonction grisante et déshumanisante à double titre. Ce pouvoir qu’a le pouvoir, en premier lieu, de déshumaniser son détenteur. Ainsi qu’il l’a fait de Mouammar Kadhafi. Plus il est grand, le pouvoir, plus il grise. Il corrompt, comme dit l’autre. Parce que le pouvoir est conçu comme émanant de Dieu, il faire croire à son détenteur qu’il n’est pas loin d’en être un. C’est la négation totale de la légitimité de la force à laquelle un peuple peut adhérer en choisissant ceux à qui il en confie l’usage. Les Etats arabes n’ont pas connu cette évolution du pouvoir absolu et absolutiste vers le pouvoir légitime. Ce peut expliquer l’étonnement et la résistance de ces dirigeants sclérosés face à la contestation dont ils sont l’objet du jour au lendemain. Comment faire comprendre au Guide libyen, après 42 ans d’un règne sans partage, qu’il y a au sein de son peuple des gens qui estiment que c’en est assez et qu’il doit partir ? Le Guide qui désormais parle de lui-même à la troisième personne ! Lui que son pouvoir a grisé jusqu’à la folie. Dédoublé sa personnalité. Achevé sa raison.

L’autre aspect de la déshumanisation attachée au pouvoir concerne ceux qui ne le détiennent pas. Aux yeux de celui qui le détient. Commander et être obéi, sans ambages, aussi facilement et aussi souvent qu’on le désire, avoir pillons sur rue, privilèges et immunités… est une chose formidable. Elle ne peut être acquise que pour des surhommes ou alors ceux qui se soumettent à cette obéissance ne peuvent pas être de la même matière, de la même chair, du même sang que soi. Et donc quand ils se permettent après l’avoir fait durant quarante-deux ans, de se rebiffer, il importe de leur rappeler leur condition existentielle que le soulèvement victorieux de quelques voisins surexcités leur a fait oublier. Rien n’est de trop pour écraser des « microbes » et « dératiser » une nation. On comptera les cadavres après. Si des hommes tombent.

Même les régimes démocratiques ne sont pas à l’abri de cette dénaturation du pouvoir, ni de ses conséquences funestes. La démocratie est en principe un système d’équilibre des pouvoirs. Afin que lorsque le Président ordonne, cet ordre soit analysé, soupesé à l’aune du droit et exécuté finalement ou rejeté selon qu’il porte en lui ou non les gènes de la légalité. Cette incertitude d’être systématiquement obéi, limite en effet les certitudes du chef. Dans un Etat prétendument démocratique où les sujets et les institutions se soumettent tous à la volonté de caporalisation instillée par le monarque, il ne faut point s’étonner des dérives tendant à la déshumanisation des uns et à la déification de l’autre. Par le jeu du pouvoir qui grise forcément.

Attention à ce que Kadhafi et les autres n’aient fait des disciples au-delà de leurs frontières là où on n’en attendait pas. Suivez mon regard… si vous pouvez.

 

James-William GBAGUIDI

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1 mars 2011 2 01 /03 /mars /2011 12:08

 

mouammar kadhafiLa Libye s’en retournera-t-elle sous la coupe de Mouammar Kadhafi ? Longs et meurtriers sont les jours qui s’égrènent depuis le déclenchement de l’insurrection armée qui, au pays du Guide, a pris la place des manifestations populaires plus ou moins pacifiques en faveur de réformes démocratiques. Face à un peuple qui a « osé » réclamer un peu de dignité et de liberté, les forces spéciales du Colonel n’ont jugé bon que de tirer dans le tas. C’était supposé être dissuasif. Le peuple, épaulé par une partie de la soldatesque, a riposté. De révolte, on est passé à guerre civile. On a cru la fin de Kadhafi arrivée. On s’en est même réjoui outre Méditerranée et outre Atlantique. Trop tôt ? Certains indices portent à le croire.

C’est celui qui a dit qu’« il ne faut pas vendre la peau de Kadhafi avant de l’avoir destitué » qui avait raison. Le Guide Libyen en a en effet vu d’autres. Du déluge de feu de l’aviation américaine qui a couté la vie à sa fille adoptive en 1986 aux embargos économiques et militaires qui ont ostracisé son pays de nombreuses années durant, le Colonel Mouammar Kadhafi a su résister à toutes sortes d’adversités. Au surplus, dès le déclenchement de cette présente crise, l’homme a voulu montrer très fermement qu’il n’avait rien en commun avec ses deux compères qui à ses frontières avaient été déboulonnés. Zine El Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak avaient en effet d’abord voulu répondre par des réformes, ne serait-ce que cosmétiques aux revendications de la rue. Il leur a fallu pour cela se montrer face au peuple et faire des promesses. Promettre et encore promettre. A l’insatiable foule qui, dans les cohortes de manifestants Avenue Bourguiba et place Tahrir, en demandait toujours plus. Et à force de promettre, ils avaient fini par fragiliser leurs propres positions. Et tomber… naturellement.

Mouammar Kadhafi n’a lui, rien voulu céder. Pour ne pas en arriver là sans doute. Mais aussi parce qu’il n’entendait rien céder. Quelles que puissent être les circonstances. Ne dit-il pas n’avoir pas de démission à donner en raison du fait que son poste de Guide de la révolution n’en est pas un véritable ? La vérité, c’est que le Colonel se dit n’avoir rien à perdre. Et face à des émeutiers qui se sont mués en révolutionnaires armés prêts à en découdre avec les puissantes milices du clan, les cibles sont désormais distinctes, identifiables et destructibles. C’est ce que Mouammar Kadhafi a su faire de ses adversaires afin de les mieux combattre. Et ces derniers jours donnent gagnante la stratégie du pire ainsi mise en branle. Kadhafi regagne du terrain. Le port stratégique de Ras Lanouf, la ville de Misrata et le QG de Benghazi sont si intensément pilonnés par l’aviation que l’insurrection en perd son latin.

En dépit des condamnations venues non seulement d’Europe et d’Amérique, mais aussi du monde arabe et de l’ensemble de ses institutions d’intégration sous-régionales, le Guide marche comme promis dans les « rivières de sang » de son peuple et donne l’impression de consolider son pouvoir… ne serait-ce que sur les régions dont il conserve le contrôle. Et si le rapport de force devait s’inverser à un tel point qu’il devait reprendre possession de l’ensemble du territoire libyen, c’est à un déchirement de la communauté internationale que nous risquons d’assister. D’un côté, les Etats qui, pour s’être engagés ouvertement pour la cause des rebelles, continueront à dénoncer les exactions dont Mouammar Kadhafi s’est rendu coupable. Parfois à leur corps défendant. Ensuite nous compterons les profiteurs d’une situation de vide économique, qui se dépêcheront de remplacer les grandes compagnies pétrolières, minières et gazières qui plient actuellement bagages. Au milieu, les piteux africains, dont je ne vois pas d’autre prise de position qu’un renouement avec le Guide et ses pétro-dinars.

Fort heureusement, on n’en est pas encore là. Même si la possibilité de décréter une zone d‘exclusion au-dessus de la Libye afin de limiter les frappes aériennes de l’aviation du Guide sur les rebelles semble de moins en moins plausible, il y a dans la révolte du peuple libyen de ces dernières semaines un sentiment de défiance qui va au-delà semble-t-il des peurs que peuvent susciter les bombardements. Au-delà, au rendez-vous de l’histoire, Mouammar Kadhafi sera catalogué comme un dirigeant ayant massacré son peuple pour continuer à le gouverner.

Et plus tard, il se trouvera de pseudo-nationalistes africains pour estimer que la Cour pénale internationale ne s’intéresse qu’à l’Afrique. Avons-nous seulement été capables d’instituer une cour pénale africaine pour régler ici sous les tropiques ce type de problème ? En attendant haro ! Haro sur le baudet Kadhafi. Et sur ceux qui encore aujourd’hui, le soutiennent ostensiblement ou non. Haro !

 

James-William GBAGUIDI

 

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1 mars 2011 2 01 /03 /mars /2011 05:12

La France a mal à sa diplomatie. Depuis 2007, il y a manifestement un boulon qui s’est grippé dans l’appareil diplomatique de la grande France désormais en mal de lisibilité. Après le french Doctor qui n’était pas franchement dans son élément, Nicolas Sarkozy a jugé utile de confier les destinées de la France à une dame. C’était inédit en France, mais ça s’est déjà vu ailleurs. Auprès d’un allié admiré et envié. Michèle Alliot-Marie devait probablement incarner une Madeleine Albright, une Condoleeza Rice ou plus prosaïquement encore une Hillary Clinton présente sur tous les fronts. Il n’est pas singulier de nourrir des ambitions. Encore faudrait-il avoir les moyens de les assouvir. Ou plutôt les hommes ou les femmes (en l’espèce), pour y donner vie. Dommage, MAM aura fait long feu. La faute, non seulement à un empêtrement coupable dans une série de scandales et de polémiques, mais la faute aussi à une diplomatie qui depuis quatre ans, grille ses acteurs.

En accédant à la haute fonction présidentielle en 2007, Nicolas Sarkozy a professé vouloir incarner une « rupture » dans la conduite des relations extérieures de la France. Force est de constater qu’il n’a pas échoué. Sauf que la rupture annoncée n’est pas celle advenue. Aux inévitables jeux d’intérêts (qui a jamais cru la France capable de se passer de son pré carré africain ?), le président français a ajouté un indescriptible embrouillamini couronné comme on l’a vu par des échecs successifs. Avec Bernard Kouchner au Quai d’Orsay, il n’aura pas fallu bien longtemps pour commencer à regretter le temps des Védrine, Villepin et autre Barnier. Sont-ce les méthodes exubérantes de l’ancien patron de MSF et quelques propos malencontreux qu’il a tenus qui l’ont mis si tôt en disgrâce ? Ou alors doit-il aux révélations de la presse française sur les gigantesques commissions qu’il se faisait verser pour ses consultations même en Afrique, d’avoir autant malmené l’image et le symbole de l’ouverture à gauche et de la tournure pro-démocratique de la nouvelle France ? Une chose est certaine, Nicolas Sarkozy n’aura pas attendu le moindre faux-pas de son ministre pour se poser en premier et presque seul concepteur et metteur en scène de la diplomatie française de ses premières années de présidence. Dans le même temps, la clarté des positions et des principes défendus par la France dans le monde était peu évidente. Pendant de nombreuses années, l’organisation pratique des institutions de la politique extérieure de la France étaient confuse. Et ce ne peut pas être du seul fait de Bernard Kouchner. Outre le très actif président de la République, une cellule diplomatique installée à l’Elysée et pilotée par l’éminence grise Claude Guéant a pu brouiller les cartes. Sans compter la petite Rama Yade qui, du haut de son Secrétariat d’Etat aux Affaires étrangères et aux droits de l’homme a marqué de son empreinte la politique extérieure de la France par un certain nombre d’actions et de déclarations. Va Savoir comment se sent aujourd’hui Nicolas Sarkozy qui en 2009 a sévèrement réprimandé la jeune secrétaire d’Etat pour non seulement avoir refusé de participer à l’accueil en France du Guide libyen, mais en plus de l’avoir fait savoir !

On s’en rend compte aujourd’hui, les recadrages, restructurations et remaniements de toutes sortes ne suffisent pas à guérir le mal diplomatique français. Et n’y suffiront certainement pas. N’en déplaise à Michèle Alliot-Marie, le passé antérieur (à Nicolas Sarkozy) de la diplomatie française, s’il ne cadre pas complètement avec la proclamation de nation des droits de l’homme que la France se veut être, porte en elle les traces d’une gloire perdue. C’est en reconnaissance de cette époque dont il est un des acteurs clé qu’Alain Juppé a sans doute été choisi pour reprendre le flambeau. Et s’il est vrai que c’est par son fait que Claude Guéant est entré à son tour au gouvernement pour ne pas gêner son action depuis sa cellule diplomatique élyséenne, la stratégie n’est pas malheureuse. Car les chances de succès de l’ex-premier ministre seront fonction de la capacité de leadership que pourra déployer ce dernier dans l’exercice de ses nouvelles fonctions.

A un an de la fin de son mandat, alors qu’il est au plus bas dans les sondages et au moment où lui échoient les présidences du G8 et du G20, Nicolas Sarkozy a intérêt à laisser la gestion des affaires diplomatiques et de l’image extérieure de la France à des professionnels. Ceux qui dans le tourment des tribulations du monde arabe, sont capables de voir venir et d’assumer leurs vues. Ceux qui peuvent remettre une doctrine dans la conduite de la diplomatie française. Ceux par qui la France pourra parvenir à redresser cette image autant froissée à l’extérieur. Quant à Michèle Alliot-Marie dont j’ai été l’un des premiers à annoncer il y déjà un mois, la chute probable, elle peut se rassurer. En politique française aussi, on peut rebondir. Elle n’aura qu’à demander conseil à son illustre successeur au poste.

 

James-William GBAGUIDI

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28 février 2011 1 28 /02 /février /2011 00:01

 

Foued-Mebazaa-president-par-interim de la TunisieD’aucuns la croyaient achevée. 100% terminée. Plusieurs grandes annonces faites ces derniers jours le laissaient accroire. Les poursuites à l’encontre des principaux barons du clan Ben Ali, le gel des avoirs de l’ancien Président, la demande de son extradition et de celle de son épouse… Tout allait, semble-t-il dans le bon sens. Mais depuis la chute du régime il y a un peu plus d’un mois, les émeutiers de Tunis, Sidi Bouzid, Kef et consorts ne sont pas convaincus de la plénitude de l’accomplissement de la révolution pour laquelle nombre de leurs camarades sont tombés. Et ils travaillent à la parachever. Après Ben Ali, c’est le Premier Ministre Mohammed Ghannouchi qui vient de démissionner. Et demain peut-être le président par intérim Fouad Mebazza.

Les révolutionnaires tunisiens entendre obtenir une véritable refonte démocratique de leur Etat et non se contenter de quelques réformes cosmétiques. Le besoin de liberté, de dignité, de respectabilité qui a abouti à la fuite du président Ben Ali semble plus profondément ancré dans les cœurs des jeunes émeutiers qu’il n’y paraissait il y a encore quelques jours. La chute d’un dictateur, quel qu’il soit, ne signifie en effet pas toujours la fin de son système. Autant une révolution peut faire des victimes collatérales, autant elle peut laisser passer entre les mailles de ses filets des individus, des pratiques et des règles contre lesquels elle a été prioritairement menée. Le cas de la Tunisie en est un palpable, de ce risque de dislocation en douce d’un rêve et de retour inavoué à la « case départ ». Les Tunisiens l’ont bien vu venir, la révolution pouvait leur être « volée ».

En décidant de quitter ses fonctions le 14 janvier dernier sous la pression conjuguée de la rue et sur le conseil des officiers supérieurs de l’armée, Zine El-Abidine Ben Ali a d’abord confié son pouvoir à celui qu’il considérait sans doute comme l’un de ses plus proches collaborateurs, le Premier ministre Mohammed Ghannouchi. Ce dernier avait en effet depuis plusieurs années partagé les atours du pouvoir avec le clan présidentiel, même s’il a, dans un élan de solidarité (douteuse) avec les manifestants déclaré récemment avoir souvent bien eu peur pour lui-même et pour ses proches. Cela est possiblement vrai. Et pourrait expliquer dans une large mesure la chasse à l’homme déclenchée par son gouvernement de transition contre les apparatchiks des clans Ben Ali et Trabelsi, du nom de l’épouse de l’ex-président. Mais un doute persiste dans la mesure où, en prenant ses premières décisions en tant que premier ministre (c’est le poste auquel il a fini par retourner suite à l’application des dispositions constitutionnelles sur la vacance de pouvoir), notamment la formation du gouvernement de transition, il n’a pas cru bon devoir écarter plusieurs anciens collaborateurs du président déchu, leur confiant même les postes clé de l’exécutif. C’est seulement suite à de vives protestations dans les rues qu’il a consenti à revenir sur cette décision. Au surplus, bien que l’ancien parti au pouvoir ait été dissout, c’est encore entre les mains de ses membres que se trouve le parlement, et donc le sort de plusieurs réformes importantes, sans oublier que certains parmi eux sont néanmoins restés au gouvernement.

S’il n’avait pas l’intention de protéger des intérêts inavoués, Mohammed Ghannouchi n’a pas laissé le choix aux Tunisiens de penser le contraire et de faire foi à sa « bonne foi ». D’autant plus que les unités de police reconstituées, ont déjà été bien de fois envoyées à l’assaut des protestataires dans la rue afin de ramener le calme et l’ordre. De quoi rappeler les méthodes brutales de Zine El-Abidine Ben Ali. Attitude suicidaire s’il en est, car des manifestants sont tombés. Trois au moins. De nouveaux martyrs. Martyrs d’une cause inachevée. Avec pour continuer leur lutte, une nouvelle effervescence s’est emparée de la rue.

Aujourd’hui, c’est donc Mohammed Ghannouchi qui apprend à ses dépens que le peuple tunisien ne se laissera pas voler sa révolution. La révolte des jeunes tunisiens n’est pas venue de nulle part. Ses causes sont connues. Ses effets persistent, au risque d’emporter la totalité de l’équipe gouvernementale. C’est en effet déjà le président de transition Mebazza qui est contesté à son tour. N’est-ce pas lui qui a reconduit dans ses fonctions le Premier ministre suite au départ de Ben Ali ? Et enfin, ses objectifs sont clairs, sur lesquels les Tunisiens ne transigeront pas. A en croire ceux qui aujourd’hui encore tiennent la rue.

C’est cela une révolution. Une vraie. Un bouleversement intégral dont la finalité est la dissolution complète d’un système de pensée et d’action politique pour aboutir à un nouveau régime. Dans un monde arabe en plein tumulte où tous les dirigeants sont dans l’œil du cyclone, mais où les réformes risquent d’être superficielles si elles ne sont pas tout simplement refusées, la Tunisie prend encore une fois la tunique du pionnier. Par la force d’une rue qui préfère tenir que courir.

 

James-William GBAGUIDI

 

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25 février 2011 5 25 /02 /février /2011 09:25

adh11_629v.jpgL’Afrique vomit ses chefs. Ses chefs d’Etat. Ses chefs traditionnels. Ses rois. Du Maghreb au Sahel. De la corne au cap. Le séculaire culte de la personnalité qui a historiquement marqué les relations entre les souverains africains et leurs sujets s’en va laisser place à de l’indifférence quand ce n’est pas tout simplement de la défiance. La faute à ce système démocratique en pleine expansion qui veut faire de chaque homme l’égal de l’autre. Du chef, le serviteur de ses sujets.

L’image du chef en Afrique est une vision de prestige. Une image de noblesse. Le symbole de la grâce. Cette caricature émane de notre histoire, de celle de nos royautés et de l’ascendant que les souverains, autocrates ou nobles, pouvaient avoir sur leurs peuples. Cette caricature procède également de la soumission presque naturelle que les sujets pouvaient avoir vis-à-vis de leurs souverains. Ceux en en tout cas avec qui ils partageaient tribu, ethnie, origine. Pas les conquérants. Cette caricature procède également de nos traditions. Les chefs, rois et autres souverains étaient en effet les interlocuteurs privilégiés des dieux ; la courroie de transmission entre les peuples et leurs protecteurs divins. La « mission civilisatrice » de l’homme blanc (qui a consisté plus à nous humilier et nous exploiter qu’à nous émanciper) n’a pas changé grand-chose à cette pratique dans un premier temps. L’allégeance du sujet à son chef de clan, de village, de royaume s’est peu à peu déportée au Chef de l’Etat. Il y avait désormais une raison de se soumettre, parfois faisant contre mauvaise fortune bon cœur, à un maître avec lequel les liens de sang étaient loin d’être évidents : il règne sur tous dans un Etat unitaire. Fi de la force de coercition dont il peut disposer à travers l’armée et qui peut lui permettre de s’assurer la soumission du peuple. Ce qui ici importe, c’est l’allégeance volontaire et non la subordination imposée.

De fait, l’image du dirigeant africain a longtemps paru consensuelle, policée. Jusqu’à ce qu’une première dégradation survienne à l’aulne de la démocratisation à pas de charge au début des années 1990. Cette époque fut éprouvante pour les Chefs d’Etat et de gouvernement africains. Habitués à voir danser et chanter les populations (instrumentalisées ou non) à chacune de leurs sorties, ils se sont surpris à devoir subir désormais les huées, les jets de projectiles, les désaveux publics. La faute à une gouvernance autocratique, une corruption généralisée, un échec cuisant au plan socio-économique… Le chef qui affame et tue son peuple a forcément une image qui s’effrite et s’écorne. Mathieu Kérékou, Mobutu Sese Seko, Félix Houphouët-Boigny et les autres l’ont appris à leurs dépens. Désormais, la démocratisation (et non la démocratie) allait désormais configurer le système de perception de leurs dirigeants par les peuples. Peu réussirent l’exercice. Au Bénin, Mathieu Kérékou a su tirer son épingle du jeu. Ailleurs où la démocratisation a pris corps, il aura fallu plus de mal pour déloger les caciques. L’image du chef a pris du temps pour se restaurer sous les tropiques, mais cela a fini par se faire. Avec bien sûr les inévitables disparités qu’il peut y avoir d’un Etat à un autre, d’une région à une autre.

Aujourd’hui, c’est une nouvelle étape de la dégradation de l’image du souverain que le continent a entamé. Depuis la fin de l’année 2010, une phénoménale crise politique touche le monde arabo-musulman. Les chefs d’Etat et de gouvernement dans cette partie du monde étaient pourtant réputés comme parmi les plus puissants, dirigeant des peuples complètement acquis à leurs causes et à leurs personnes. Deux d’entre eux ont même dû « dégager ». Victimes de la colère de la rue et de leur gestion despotique de l’Etat. D’autres se démènent pour sauvegarder leurs intérêts. Les uns à travers de grandes concessions, un autre dans les « rivières de sang » qu’il a promis aux « rats » qui ont ainsi osé le défier. De toute façon, c’est le mythe de la toute puissance des derniers dirigeants les plus puissants de la planète qui est en train de s’écrouler. Les peuples n’ont plus peur de dire, d’affronter, de mourir. Le chef n’est plus un dieu. Et si les chefs les plus puissants peuvent se voir ébranlés, nul autre ne mérite plus d’être porté sur un piédestal.

Il y a, dans la démocratisation du monde les germes de la dissolution du culte du chef. L’Afrique, en retard dans l’expression du droit à l’autodétermination politique de ses peuples ne fait que commencer à l’éprouver. Mais quoi qu’il puisse en être, il devra subsister un pan de respectabilité du chef traditionnel (au moins lui), comme héritage de notre histoire et de notre culture. Mais il semblerait bien que le Bénin, de cette voie, par les temps derniers s’éloigne. Par la force de l’argent et la persuasion du gain facile. Garde !

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25 février 2011 5 25 /02 /février /2011 08:58

 

Démocratie et islamisme feraient-ils bon ménage ? Depuis en tout cas que le malaise maghrébin a donné lieu à la plus grande crise politique vécue de mémoire d’homme dans le monde arabo-musulman, il y a une permanence de l’islamisme qui structure les rapports de force et influence l’issue des révoltes populaires. Et si la métamorphose du monde arabe ne doit pas se limiter à quelques changements cosmétiques, c’est encore avec l’islamisme qu’il faudra compter.

Islamisme n’est pas Islam. Cela mérite peut-être d’être précisé. La tendance islamiste, chez les musulmans, désigne en général les groupes et mouvements qui cherchent à établir, ouvertement ou clandestinement, un gouvernement ou un État islamique. Cet objectif se justifie par le fait qu'un gouvernement islamique appliquerait vraisemblablement certaines, sinon la plupart, des lois et règles de l'islam (la charia) qui ont trait, entre autres, à l'habillement, aux relations entre les sexes, à l'interdiction de l'alcool et des jeux d'argent, aux châtiments propres à des crimes précis et aux restrictions imposées aux opérations bancaires et aux prêts à intérêt.

Or, c’est justement en raison de cette tendance à la restriction de certaines libertés devenues indissociables du genre humain et du système capitaliste en vogue dans le monde occidental que l’islamisme est considéré comme une tendance à combattre ou tout au moins à restreindre. Dans le monde arabe en crise aujourd’hui, la prégnance islamiste était limitée. La plupart des gouvernements, alliés ou non des Etats-Unis d’Amérique et du monde occidental, ont préféré jusqu’ici se refuser à instaurer les règles islamistes les plus rigides sur leurs territoires pour des raisons qui varient d’un Etat à un autre. Même l’Irak de Saddam Hussein envahi en 2003 par la coalition américano-britannique était alors un Etat laïc. En conséquence, les groupes islamistes, attendaient leur heure. Et cette heure, avec les révoltes et les émeutes, a peut-être sonné. Mais tout le monde ne l’entend pas ainsi.

C’est l’Egypte qui, le mieux, a montré par sa position stratégique, la conduite de son armée et l’issue de sa révolution à quel point les tendances islamistes d’une certaine partie de la classe politique d’un Etat, peuvent ralentir ou dévoyer les objectifs de ceux qui militent aujourd’hui dans le monde arabe pour un peu plus de liberté. Non que la Tunisie, pionnière de la nouvelle disposition à la démocratie dans la région n’eût pas connu l’islamisme ou que les tenants de cette tendance n’aient pas influencé la révolution, mais les choses s’y sont trop vite passées et ont pris de cours bien de monde. En Egypte par contre, la présence dans les cortèges de manifestants et sur la place Tahrir des Frères musulmans a longtemps retardé le soutien des Etats-Unis aux révolutionnaires. Aujourd’hui encore, c’est en Libye que ce constat prend tout son sens. Comme d’autres dirigeants arabes désireux à un moment donné de leur histoire, de restaurer leurs relations avec le monde occidental, Mouammar Kadhafi a pris sur lui de réduire dans son pays les pôles islamistes à leur plus simple expression. Tous les moyens ont été utiles à cela : répressions, musèlement, exil, extermination. Dans le silence et l’assentiment tacite des gouvernements occidentaux qui croyaient ainsi briser les inclinaisons de cette région du monde vers l’islamisme radical. C’est sur ce tableau que jouent les derniers dictateurs en place comme Mouammar Kadhafi, prétendant être la cible de groupes terroristes islamistes. Et dans le cas d’espèce, le mouvement Al Qaïda au Maghreb islamique qui a apporté son soutien aux insurgés libyens ne vient que brouiller plus que de besoin les cartes. Dans la même dynamique, le Royaume du Bahreïn, en proie également à une révolution populaire, voit les efforts des jeunes émeutiers entachés par les déclarations fracassantes du président iranien Mahmoud Ahmadinejad en leur faveur.

En réalité, pour son importance stratégique et économique, le monde arabe ne pourra pas mener toute seule sa métamorphose démocratique. Le partenaire américain, présent à tous les étages de la vie politique et militaire de la plupart des Etats de la région, aura son mot à dire. Sa directive à suggérer. Son dauphin à proposer. Et si un peuple a envie de voir souverainement des islamistes le diriger, il devra encore attendre. La démocratisation du monde arabe ne passera pas par les versants islamistes.

 

James-William GBAGUIDI

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