Nouveau mode de recrutement des bacheliers dans les écoles universitaires : transfert de népotisme ?
La réforme de l’enseignement supérieur passera aussi par par celle du mode de recrutement des apprenants dans les établissements professionnels. C’est ce qui ressort en tout cas d’une décision récente prise par la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, aux fins de laquelle le recrutement des nouveaux bacheliers à titre de sponsoring pour le compte de l’année académique 2016-2017 sera réalisé par le Ministère même par le biais d’une Commission spéciale en vue de limiter les outrances des années antérieures. Enseignant dans une université publique et plus particulièrement dans une école où j’ai vu exploser les effectifs et chuter le niveau des apprenants, je devrais peut-être m’en réjouir. Mais je ne sais trop pourquoi, j’ai des appréhensions. La vague impression qu’il ne s’agit que d’un transfert de népotisme.
Les établissements d’enseignement professionnel des universités publiques, tels que l’Ecole nationale d’Administration et de Magistrature, l’Ecole nationale d’Economie appliquée et de Management, la Faculté des Sciences de la Santé, l’Ecole nationale des Assistants sociaux, l’Ecole polytechnique d’Abomey-Calavi et autres, ont vocation à former des cadres censés avoir déjà été recrutés ou devant l’être immédiatement après leur formation, dans l’administration publique. Au surplus, sont admis les élèves et étudiants dont des entreprises privées assurent payer la formation en qualité d’employeur, c’est le « sponsoring ». De fait, le nombre de candidats retenus à l’entrée dans ces écoles devrait être limité, même si par ailleurs, le nombre de bacheliers chaque année connait une augmentation substantielle. Pour contourner ces restrictions, de nombreux parents de jeunes étudiants font passer leurs enfants pour de futurs cadres d’entreprises privées et obtiennent pour ces derniers des attestations qui leur permettent de les faire admettre dans ces écoles à titre de sponsoring. Conséquence, avec des listes d’inscription qui fusaient de partout (Ministère de l’enseignement supérieur, Ecoles universitaires et même parait-il de la Présidence de la République, voire du Cabinet de la Première Dame), les effectifs dans les classes pouvaient rapidement s’apparenter à ceux des facultés classiques où ils atteignent des centaines, voire même des milliers.
C’est probablement en réaction à cette situation qui a débordé de toute évidence les Directeurs de ces écoles universitaires que le gouvernement vient donc de décider de prendre personnellement en mains le processus de recrutement des nouveaux bacheliers dans les centres universitaires. Le problème, c’est que la solution risque de n’être pas vertueuse à très long terme. Ce que cherche à combattre le gouvernement en prenant cette décision, c’est le népotisme qui naguère, s’est instauré en système dans le processus. Mais est-ce seulement en déchargeant les établissements de cette prérogative que le problème pourra être résolu ? Quelles sont les nouvelles règles fixées ? Qui seront les membres de la Commission spéciale de recrutement ? Sont-ils au-dessus de tout soupçon ? Et puis, on est au Bénin ; et on a déjà vu faire. Comment réagiront certains d’entre eux quand un ami, un parent, un proche les suppliera de « tout faire » pour que son enfant soit admis à la FSS, à l’ENAM ou dans une autre école prestigieuse ? Lequel des membres de cette commission ne serait pas susceptible de se laisser attendrir par l’idée de laisser recruter ne serait-ce que le neveu de 18 ans de son meilleur ami qui ne remplit pas tout-à-fait les conditions, mais qui vient d’obtenir son baccalauréat et dont le papa rêve de le voir fréquenter une école véritablement crédible sans avoir les moyens colossaux qu’exigent les universités privées ?
Peut-on vraiment lutter contre le népotisme dans ce domaine ? La réponse est oui, c’est vrai. Il suffit d’élaborer des critères stricts et de s’y tenir rigoureusement. En l’espèce donc, il n’était pas vraiment utile à mon sens, de dessaisir les établissements de leur prérogative de recrutement. J’espère seulement que chacun d’eux sera représenté dans la fameuse commission de gens vertueux. En attendant que la vertu, encore une fois, ne déserte les lieux.
C’est mon opinion, et je la partage.
James-William GBAGUIDI